Attentat de Nice : «On ne peut pas vivre en état de stress permanent»

Attentat de Nice : «On ne peut pas vivre en état de stress permanent»

Mis à jour le 30 septembre 2022

Un article Attentat de Nice : «On ne peut pas vivre en état de stress permanent» publié par le Parisien
LE FAIT DU JOUR. La promenade des Anglais a été rendue aux Niçois. Samedi, ils y ont repris leurs habitudes sans oublier pour autant les nombreuses victimes. Décryptage avec Evelyne Josse, psychotraumatologue.

Selon la psychologue, maître de conférences à l’université de Lorraine à Metz, le traumatisme nous touche tant sur le plan individuel que sur le plan collectif.

Quelles conséquences psychologiques l’attentat de Nice va-t-il avoir sur les victimes et les témoins ?

ÉVELYNE JOSSE. Voir des corps voler comme dans un jeu de quilles et des membres éparpillés sur le sol constitue un choc encore plus violent que de tomber sur une victime couchée au sol avec du sang qui sort de la poitrine. Mais suivant sa personnalité, ses antécédents, son degré d’implication dans le drame et le niveau de soutien fourni par son entourage, chacun réagira de manière très différente. Certains manifestent bruyamment leurs émotions par des pleurs ou des cris, d’autres semblent totalement indifférents ou bien se sentent coupables d’avoir survécu. Mais ça ne présage en rien de leur évolution mentale. On peut très bien avoir eu le sang-froid de secourir quelqu’un le jour J et développer un syndrome post-traumatique après

Comment déceler un syndrome posttraumatique ?

Les premiers symptômes sont les reviviscences : les flash-back ou les cauchemars de répétition. Mais un état de stress posttraumatique peut aussi se caractériser par des attitudes d’évitement de tout ce qui nous fait repenser au drame : les lieux, les situations mais aussi les conversations. Autre signe, une hypervigilance. On est perpétuellement en alerte, on sursaute au moindre bruit… Je l’ai constaté chez l’une de mes patientes qui a vécu l’attentat dans le métro de Bruxelles. Pendant plusieurs semaines, elle n’osait plus descendre dans sa cave.

Peut-on s’en remettre ?

Oui, heureusement ! Certaines victimes voient leurs troubles s’estomper et disparaître spontanément. Mais, dans la plupart des cas, la reconstruction demande du temps et nécessite une vraie prise en charge psychologique. Les méthodes qui donnent le plus de résultats sont l’hypnose et l’EMDR. Une technique importée des Etats-Unis qui consiste à faire effectuer une série de mouvements oculaires au patient pour « reprogrammer » son mental après le traumatisme. En revanche, il faut se méfier des benzodiazépines, qui bloquent le processus de guérison naturelle et provoquent une dépendance sur le long terme.

Au-delà des souffrances individuelles, peut-on parler d’un traumatisme collectif ?

Sans aucun doute. En choisissant la date du 14 Juillet d’abord, le tueur a frappé au coeur les valeurs de la société française. Comme un mari qui jette son alliance à l’égout après une dispute conjugale tue symboliquement le mariage. Et puis il s’est attaqué à des familles, à des enfants. Il ne les visait pas spécifiquement, mais, en n’épargnant pas les plus vulnérables, il a voulu montrer que rien ne pourrait arrêter les terroristes, que tout le monde désormais était une cible potentielle.

Comment le surmonter ?

La vague d’attentats n’est sans doute pas près de s’arrêter. Or on ne peut pas vivre en situation de stress permanent. Ce n’est pas tenable sur le long terme. Au gré des attaques, on va donc sans doute se montrer de plus en plus vigilants, éviter au maximum les lieux publics mais développer en même temps des mécanismes d’adaptation. Pour essayer de mener le plus possible une vie normale.

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