La vie en rire

Mis à jour le 14 octobre 2022

C’est là tout le plaisir, comme lorsque nous faisons l’amour : sentir notre être s’abandonner à un état de légèreté, d’énergie, de joie…

David Servan-Schreiber – Psychologies Magazine – Juillet 2009

Rire c’est bon pour le corps

Dans le corps, chaque épisode de rire aide à la circulation de la vie comme e montrent les études ci dessous : la tension artérielle diminue, les artères du cœur facilitent le passage du sang et de l’oxygène, les deux branches du système nerveux autonome se rééquilibrent, et même les cellules immunitaires sont plus actives contre les virus ou contre le cancer…

« Humor and laughter may influence health : III. Laughter and health outcomes » de M.P. Bennett et C. Lengacher in Evidence-Based Complementary and Alternative Medicine, 2007.

« Humor and laughter may influence health : IV. Humor and immune function » de M.P. Bennett et C. Lengacher in Evidence-Based Complementary and Alternative Medicine, 2007.

« Effects of laughing and weeping on mood and heart rate variability » de S. Sakuragi, Y. Sugiyama et K. Takeuchi in Journal of Physiological Anthropoly and Applied Human Science, 2007.

 

Jerry Seinfeld est un grand humoriste new-yorkais. Il raconte comment, enfant, son père vendait des enseignes au néon et l’emmenait parfois avec lui démarcher les magasins de la région. Son père adorait les histoires drôles, et ne manquait jamais d’en raconter une à ses clients potentiels. Souvent, en remontant dans le camion, son père lui disait : « Celui-là, on ne lui a rien vendu, mais on a bien rigolé, non ? Tu vois, c’est ça la beauté de mon métier. Quoi qu’il arrive, on a bien rigolé ! »

Le rire est un soleil qui illumine notre quotidien. Si cette brillante lumière a suffisamment éclairé notre journée, nous nous posons dans notre lit plus doucement le soir venu, encore baigné de sa douceur. Le rire est un aimant. Déjà, au jardin d’enfants, nous allions vers les enfants qui avaient le plus l’air de s’amuser (un enfant de 5 ans éclaterait de rire entre vingt et cent fois par jour !). À la fac, nous continuions de privilégier les déjeuners avec les copains qui nous faisaient rigoler. Et, plus tard, au restaurant d’entreprise, combien de fois n’avons-nous pas souhaité être à la table du groupe là-bas qui s’esclaffe, plutôt qu’avec les collègues imposés ou le taciturne directeur de service ?

Le rire tisse le lien. Une publicité, dans les années 1980, faisait dire à Woody Allen : « La séduction, c’est 1 % mon parfum et 99 % d’humour. » Mais il ne s’agit pas seu­lement de séduction. Quand j’étais étudiant, je me souviens avoir rencontré un étudiant italien, avec qui je n’ai partagé qu’un long voyage dans le métro new-yorkais. Nous avions­ tellement ri de notre situation d’étrangers qui ne compre­naient pas les règles sociales amé­ri­caines que je me rappelle parfaitement son nom. Et je sais que si nous nous rencontrions à nouveau aujourd’hui, cette amitié instantanée serait encore vivante, trente ans plus tard.

Le rire est parfois une relation unique. Pascale et Karl sont mariés depuis quinze ans. Tous deux de nature plutôt studieuse et appliquée, ils ne sont ni l’un ni l’autre considérés comme de joyeux drilles par leur entourage. Un jour, pourtant, Pascale m’a confié un secret sur son couple : « Les gens ne nous trouvent pas particulièrement drôles, mais nous, nous nous faisons rire tout le temps. Après tout, c’est bien mieux comme ça que l’inverse ! »

Le rire est contagieux et incontrôlable. Comme les bâillements, mais en plus gai ! Il suffit de regarder et d’écouter des personnes rire aux éclats pour commencer à sentir ce chatouillement dans l’abdomen qui contracte le diaphragme en rythme et prend le contrôle de notre respiration, de notre voix et des muscles de notre visage. C’est là tout le plaisir, comme lorsque nous faisons l’amour : sentir notre être s’abandonner à un autre état. Un état de légèreté, d’énergie, de joie. Si simple et pourtant si satisfaisant en même temps.

Un jour, en réfléchissant aux raisons qui m’avaient éloigné d’une carrière universitaire pourtant bien partie afin de me consacrer à mon travail de médecin praticien et d’enseignant, j’ai compris que mon choix tenait en partie au fait que l’on riait beaucoup plus au contact des êtres humains plongés dans la vie qu’à celui des chercheurs. Comme un animal qui migre vers le sud en hiver, j’avais suivi le soleil de cette vibration qui fabrique du bonheur, du lien, de la santé. Je ne l’ai jamais regretté.

Juillet 2009

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