
3 erreurs fréquentes dans les écrits des psychologues (et leurs conséquences juridiques)
Mis à jour le 23 décembre 2025
Attestations, comptes rendus, courriers… Dans votre pratique, vous produisez régulièrement des écrits. Et chacun d’eux engage votre responsabilité — parfois plus que vous ne l’imaginez.
Car un écrit mal formulé peut vous exposer à des poursuites pour diffamation, dénonciation calomnieuse, ou atteinte à la vie privée. Pas parce que vous avez voulu nuire, mais parce que certaines formulations, pourtant courantes, sont juridiquement risquées.
Voici trois erreurs fréquentes — et comment les éviter.
Erreur n°1 : Rapporter les dires du patient comme des faits établis
L’exemple type :
« Mme X consulte suite au harcèlement moral exercé par son supérieur hiérarchique. »
Le problème : Vous n’avez pas constaté ce harcèlement. Vous rapportez ce que votre patiente vous a dit. En l’écrivant ainsi, vous transformez une allégation en fait établi — et vous vous exposez à une action en diffamation de la part du tiers mis en cause.
La diffamation, c’est l’imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne. En droit, c’est à l’auteur des propos de démontrer sa bonne foi — ce qui est particulièrement difficile lorsqu’il n’a fait que relayer des propos sans pouvoir en vérifier la réalité.
La bonne pratique : Utiliser le conditionnel et les guillemets pour tout ce qui relève du discours rapporté :
« Mme X consulte dans un contexte qu’elle décrit comme éprouvant sur le plan professionnel. Elle rapporte des difficultés relationnelles avec sa hiérarchie, qu’elle qualifie de « harcèlement ». »
Vous restez factuel·le sur ce que vous constatez (la consultation, l’état émotionnel), et prudent·e sur ce que vous ne pouvez pas vérifier.
Erreur n°2 : Mettre en cause un tiers que vous n’avez jamais rencontré
L’exemple type :
« Le comportement du père, tel que décrit par l’enfant, s’apparente à de la maltraitance psychologique. Il semble peu judicieux de maintenir les visites. »
Le problème : Vous portez un jugement — voire une accusation — sur une personne que vous n’avez jamais vue. Ce type d’écrit, s’il est produit en justice (ce qui est souvent le cas dans les séparations conflictuelles), peut constituer une dénonciation calomnieuse si les faits ne sont pas avérés, ou engager votre responsabilité civile pour le préjudice causé au tiers.
Les recommandations professionnelles, notamment dans le champ médical et médico-judiciaire, sont constantes sur ce point — et régulièrement reprises par les juridictions : dans un signalement ou une attestation, on ne met pas en cause un tiers nommément. On décrit des faits observés, on rapporte des propos (avec les précautions évoquées ci-dessus), mais on ne désigne pas un « coupable ».
La bonne pratique : Se limiter à ce que vous avez directement observé ou évalué :
« L’enfant présente des signes d’anxiété importants. Il verbalise des difficultés en lien avec le contexte familial. Ces éléments justifient une attention particulière. »
Vous alertez sans accuser. L’évaluation des responsabilités appartient à la justice, pas au psychologue.
Erreur n°3 : Confondre attestation et expertise (ou sortir de son rôle)
L’exemple type :
« J’atteste que Mme X souffre d’un trouble de stress post-traumatique consécutif aux violences subies de la part de son ex-conjoint. »
Le problème : Plusieurs difficultés ici. D’abord, vous posez un diagnostic (le TSPT) qui, selon les contextes et l’usage qui sera fait de l’écrit, peut relever du champ médical ou être juridiquement contesté. Ensuite, vous établissez un lien de causalité entre ce diagnostic et des faits que vous n’avez pas constatés. Enfin, vous désignez un auteur.
Une attestation de psychologue n’est pas une expertise judiciaire. Elle n’a pas la même valeur, ni le même cadre. Sortir de votre rôle de thérapeute pour endosser celui d’expert — sans en avoir le mandat — fragilise votre écrit et votre position professionnelle.
La bonne pratique : Rester dans votre périmètre :
« J’atteste recevoir Mme X en consultation depuis le [date], à raison de [fréquence]. Elle présente une symptomatologie anxieuse significative, dans un contexte qu’elle décrit comme marqué par des difficultés conjugales. »
Vous attestez de ce que vous faites (le suivi) et de ce que vous observez (les symptômes). Le reste ne vous appartient pas.
Ce que vos écrits engagent
Un écrit de psychologue peut engager trois types de responsabilité :
- Responsabilité pénale : violation du secret professionnel, dénonciation calomnieuse, diffamation…
- Responsabilité civile : si votre écrit cause un préjudice (moral, matériel) à un tiers ou à votre patient, vous pouvez être condamné·e à le réparer financièrement.
- Responsabilité disciplinaire : dans certains contextes (fonction publique, établissements), des sanctions internes peuvent s’appliquer.
Le code de déontologie des psychologues — même s’il n’a pas de valeur réglementaire opposable — peut être utilisé comme référence par un juge pour apprécier votre pratique.
Des questions plus complexes qu’il n’y paraît
Peut-on refuser de rédiger une attestation ? Comment formuler une information préoccupante ? Que faire quand un avocat demande un écrit orienté ? Quelles mentions obligatoires sur un document ? Que risque-t-on réellement en cas de plainte ?
Ces questions ne se règlent pas avec des « modèles types » trouvés en ligne. Elles demandent une compréhension fine du cadre juridique — et de ses zones grises.
Aller plus loin
Les informations présentées ici sont à titre informatif et ne remplacent pas l’avis d’un professionnel du droit. Les règles peuvent évoluer, et il est recommandé de vérifier la législation en vigueur ou de consulter un juriste en cas de situation spécifique.
Derrière ces erreurs fréquentes se jouent en réalité des arbitrages juridiques plus complexes qu’il n’y paraît, rarement abordés dans la formation initiale des psychologues.
Un travail spécifique permet d’en comprendre les enjeux, à partir de situations réelles d’écrits professionnels et de leurs usages juridiques.
Cadre juridique et éthique pour la pratique clinique et l’exercice professionnel



