EMDR et couple : par où commencer ?

EMDR et couple : par où commencer ? 

Mis à jour le 4 octobre 2025

Un article de Mary Ray, qui présente les critères d’évaluation, puis illustre avec deux cas cliniques les différentes approches possibles (individuelle vs. conjointe)

Article publié en anglais – accès libre en ligne

Introduction

Les couples sont compliqués. Et lorsque chaque partenaire a son propre passé traumatique, cela peut être encore plus complexe. Ils ont chacun leur histoire, puis il y a l’histoire du couple. Il est donc tout à fait naturel qu’ils se déclenchent mutuellement. Et la plupart du temps, ils n’en sont pas conscients, de sorte que les problèmes quotidiens deviennent d’énormes obstacles à la communication et à l’intimité. Ces facteurs font qu’il est très difficile de proposer des interventions

qui profitent à la fois aux deux partenaires individuellement et au couple dans son ensemble.

Évaluer la stabilité de la relation et la capacité de chaque partenaire

Lorsque je décide où, quand et comment commencer l’EMDR avec un couple, je tiens compte de trois facteurs :

Tout d’abord, j’évalue la stabilité de la relation en posant des questions telles que :

  • Ont-ils les mêmes objectifs pour la thérapie ?
  • Se sont-ils désignés mutuellement comme contact d’urgence ?
  • Sont-ils à l’aise en présence l’un de l’autre ?
  • Se regardent-ils dans les yeux lorsqu’ils écoutent et parlent ?
  • Écoutent-ils et répondent-ils de manière réfléchie ?
  • Sont-ils capables de laisser l’autre finir de parler avant de répondre ?
  • Chaque partenaire est-il capable d’assumer la responsabilité de son comportement, plutôt que de blâmer l’autre ?
  • Chaque partenaire est-il capable d’assumer sa part de responsabilité dans les problèmes de communication ?

J’explore ensuite les capacités de chaque partenaire :

  • Chaque partenaire est-il capable de voir le rôle qu’il joue dans les interactions problématiques ?
  • Chaque partenaire est-il capable de voir le lien entre son comportement actuel et son passé ?
  • Chaque partenaire est-il capable de maintenir une double conscience et de changer d’état dans l’exercice du « lieu sûr » ?
  • Affirment-ils leur engagement l’un envers l’autre lors des séances communes et individuelles ?

Enfin, et c’est essentiel, aucun couple n’est prêt pour l’EMDR s’il y a des secrets, des objectifs thérapeutiques divergents, des relations extraconjugales, des addictions ou des troubles dissociatifs graves.

Une fois que vous avez une idée des objectifs thérapeutiques de chaque partenaire, de l’engagement de chacun envers l’autre, envers le mariage et de la capacité de chaque partenaire à retraiter ses souvenirs, vous pouvez décider de la marche à suivre. Examinons deux couples qui ont bénéficié d’approches différentes en fonction de leurs réponses à ces questions.

Sid & Carol

Leurs histoires 

Lorsque Sid et Carol ont perdu leur fils de 19 ans d’un cancer, Sid a réagi en travaillant de longues heures. Seule le soir, Carol était paniquée et appelait Sid toutes les 15 minutes. Sid était agacé par Carol et chaque soir, le même cycle se répétait.

Lors d’une séance commune, nous avons exploré ce qui, dans leur situation actuelle, leur rappelait leur enfance à l’aide d’une technique de « retour en arrière ». Nous avons appris que la mère célibataire de Carol travaillait la nuit et n’était pas disponible, même par téléphone. À six ans, Carol s’occupait de son frère de quatre ans et se sentait seule et terrifiée chaque nuit.

Lorsque Sid avait sept ans, sa mère est décédée et son père a réagi à cette perte par de fréquents accès de colère. Afin d’éviter la colère de son père, Sid allait à l’école tous les matins à 7 heures et étudiait jusqu’à l’heure de la rentrée. Après l’école, Sid faisait des petits boulots et ne rentrait pas à la maison avant que son père ne soit endormi.

En explorant les liens entre le passé et le présent, chaque partenaire a réalisé qu’il réagissait à l’autre dans le présent de la même manière qu’il avait réagi dans sa famille lorsqu’il était enfant. Mais chacun avait besoin d’aide pour maintenir cette double conscience lorsqu’il retournait dans le passé. Dans l’ensemble, ce travail a été douloureux et difficile pour les deux partenaires.

Décider par où commencer

Sid et Carol ont tous deux donné des réponses mitigées aux questions de l’évaluation. Bien qu’ils aient affirmé leur engagement l’un envers l’autre et envers leur relation, chacun a désigné une autre personne comme contact d’urgence, ce qui indiquait une fissure dans les fondations de leur relation. Cette instabilité, leurs traumatismes précoces et leur difficulté à maintenir une double conscience m’ont amené à recommander à chaque partenaire de commencer par un travail individuel de retraitement EMDR avec moi, séparément.

Le travail

Lors de séances individuelles, nous avons commencé par désensibiliser les déclencheurs actuels et par retraiter certains traumatismes de l’enfance. Nous avons ensuite organisé des séances conjointes, avec les deux partenaires, afin d’intégrer les changements issus du travail individuel en EMDR dans la dynamique de leur relation. L’alternance entre séances individuelles et séances conjointes a permis de rétablir et de renforcer la sécurité et la confiance dans la relation, et a jeté les bases d’un changement supplémentaire.

Leurs progrès

Lors des séances conjointes, Sid et Carol se regardent davantage dans les yeux lorsqu’ils parlent et écoutent. Ils ont appris à attendre que l’autre ait fini de parler avant de prendre la parole. Ils disent se sentir de plus en plus en sécurité l’un avec l’autre à la maison. Et lorsqu’ils ont mis à jour leur plan de traitement, ils se sont inscrits mutuellement comme contacts d’urgence. Au fur et à mesure que la thérapie se poursuit, ils mettent de plus en plus en œuvre des moyens flexibles pour gérer les défis quotidiens à la maison et démontrent une capacité accrue à se soutenir mutuellement dans leur travail de deuil. Ces progrès sont possibles parce qu’ils ont pu renforcer leurs propres capacités et résoudre certains traumatismes anciens dans le cadre de leur travail individuel.

Ted et Nancy

Leurs histoires

Ted travaillait de longues heures comme administrateur dans un hôpital. Il n’avait plus beaucoup d’énergie lorsqu’il rentrait enfin chez lui. Nancy a raconté qu’elle attendait que Ted l’aide à coucher les enfants. À mesure que l’heure avançait, l’espoir de Nancy se transformait en douleur et en colère. Ainsi, lorsque Ted rentrait enfin, Nancy le bombardait de demandes. Ted, submergé par toutes ces demandes, se réfugiait dans son bureau. C’était leur drame quotidien.

Ted était le plus jeune de quatre enfants et se décrivait comme un enfant solitaire et invisible, qui n’avait aucune importance pour sa famille. Nancy était l’aînée de cinq enfants. Ses responsabilités quotidiennes comprenaient plusieurs tâches ménagères et le coucher de ses frères et sœurs avant de pouvoir commencer ses devoirs. Elle avait le sentiment d’avoir grandi seule.

Décider par où commencer

Les deux partenaires ont reconnu qu’ils réagissaient dans le présent de la même manière qu’ils avaient réagi à leurs expériences traumatisantes de l’enfance. Ils ont pris conscience que leur propre comportement déclenchait une réaction chez leur conjoint. Ted et Nancy ont tous deux réussi à maintenir une double conscience et à changer efficacement d’état. Quant à leur relation, ils se regardaient dans les yeux lorsqu’ils parlaient et attendaient que l’autre ait fini avant de prendre la parole. Chacun restait fidèle à son engagement envers l’autre et envers leur relation. Ils s’étaient inscrits mutuellement comme contacts d’urgence. Compte tenu de la solidité de leur relation et de leur capacité à retraiter leurs expériences, j’ai accepté lorsque Ted et Nancy m’ont demandé de les aider à travailler individuellement.

Voici comment fonctionne le processus de soutien mutuel entre partenaires

« Soutien » signifie qu’un partenaire est présent et au courant de tout ce qui se passe pendant la séance, tandis que l’autre partenaire effectue le reprocessing. Se soutenir mutuellement de cette manière renforce la compréhension entre les partenaires. Cela a renforcé leur capacité et leur détermination à modifier de manière proactive leurs propres comportements. Dans le cas de Ted et Nancy, ils ont fait des choix pratiques pour maintenir leur nouveau niveau de proximité et d’intimité. Ted a embauché un assistant et a pu rentrer plus tôt à la maison pour aider. Nancy a embauché un adolescent du quartier pour l’aider le soir avant le retour de Ted. Ils continuent à travailler sur les déclencheurs actuels ainsi que sur des modèles pour l’avenir afin d’avancer ensemble dans des schémas d’interaction positifs.

Il y a de réels avantages à suivre une thérapie EMDR individuelle en présence d’un partenaire. Cela peut créer un fort sentiment d’empathie entre les partenaires. Le fait de pouvoir aider aide chaque partenaire à se sentir plus en sécurité, connecté et déterminé. Et les changements issus du traitement EMDR peuvent être intégrés à la fin d’une séance individuelle. Tous les couples ne sont pas prêts pour cette approche.

J’espère que vous essaierez les questions d’évaluation pour déterminer où en est la relation d’un couple et quelles sont les capacités des partenaires au début de la thérapie. Leurs réponses peuvent vous aider à commencer de la manière la plus adaptée à chaque partenaire et au couple dans son ensemble.

En savoir plus 

Références de l’article EMDR et couple : par où commencer ?  :

  • auteurs : Mary Ray 
  • titre en anglais : EMDR for Couples : Deciding Where to Start 

Aller plus loin 

Formation : Couple et Trauma: la thérapie EMDR au service de l’accompagnement des couples

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