
La supervision EMDR de groupe
Mis à jour le 7 novembre 2025
Un article de Robin Logie, publié dans EMDR Therapy Quarterly
Article publié en anglais – accès libre en ligne
Robin Logie réalise une chronique régulière sur la supervision EMDR pour EMDR Therapy Quarterly. Sa rubrique s’adresse aux superviseurs EMDR, et à tous les thérapeutes EMDR qui bénéficient d’une supervision, afin de les aider à tirer le meilleur parti de la supervision.
Il est également l’auteur d’une livre sur la supervision EMDR : « EMDR supervision : A handbook, Routledge, 2023.
Introduction
Je suis assis.e devant mon ordinateur et je vois six fenêtres sur mon écran Zoom, chacune contenant un autre thérapeute EMDR, dont l’un est notre superviseur, Gordon. Nous venons de nous connecter et nous passons les formalités d’usage : « Comment allez-vous ? » et « Vous êtes en mode silencieux ! ».
Une fois que nous sommes tous installés, notre superviseur nous invite à nous présenter et fait le tour du groupe pour demander à chacun.e ce qu’il a apporté à la supervision aujourd’hui. Avant la séance, j’avais une idée concernant un.e patient.e avec lequel je me sens bloqué.e, mais je me demande si je dois en parler, car je crains de ressentir de la honte en révélant mon ignorance du protocole standard. Cependant, je me sens rassuré par Gordon qui, je m’en souviens, nous a déjà raconté certaines de ses « erreurs » en thérapie EMDR, et je pense que cela vaut peut-être la peine de prendre le risque. Alors, quand vient mon tour, je pose la question suivante :
« Mon patient ne semble pas progresser, et je me demande si j’ai bien cerné le problème. Pouvez-vous m’aider à conceptualiser mon cas ? »
Puis je commence à m’inquiéter d’autre chose : et si les autres membres du groupe ont des problèmes plus urgents à discuter et que je monopolise la séance avec mon petit problème ? Mais je me souviens alors que Gordon sait généralement bien répartir le temps entre les participants et que les autres peuvent contribuer à la discussion sur mon cas et se sentir ainsi impliqués.
Bienvenue dans le monde de la supervision de groupe EMDR, où certaines choses ne sont pas tout à fait les mêmes que dans la supervision individuelle.
Pourquoi une supervision de groupe
Tout d’abord, quel est l’intérêt d’une supervision en groupe ?
La raison la plus évidente est l’économie de temps et d’argent. Lorsque le nombre de superviseurs EMDR est insuffisant, comme c’est actuellement le cas au Royaume-Uni, la supervision de groupe est plus efficace que la supervision individuelle. En outre, les coûts sont moins élevés pour l’organisation ou pour les personnes qui financent elles-mêmes la supervision.
Cependant, la supervision de groupe présente de nombreux autres avantages, que j’ai résumés ci-dessous en reprenant les points soulevés par Bernard et Goodyear (2019) :
- Grâce à la supervision de groupe, chaque supervisé a accès à un éventail plus large de pratiques et apprend à utiliser l’EMDR avec un nombre de patients bien plus important que le sien.
- Le format de groupe offre une plus grande variété d’expériences d’apprentissage, par exemple en réfléchissant à la pratique des collègues.
- Chaque membre du groupe bénéficie d’une plus grande diversité de perspectives sur son travail clinique.
- Le format de groupe permet au superviseur d’obtenir une image plus complète de son supervisé en observant comment il interagit avec les autres membres du groupe.
- Le supervisé en apprend davantage sur la façon dont il est perçu par les autres, ce qui peut être une information précieuse.
- Le supervisé a la possibilité d’acquérir des compétences en matière de supervision, ce qui est particulièrement utile pour les supervisés qui suivent une formation pour devenir eux-mêmes superviseurs.
- Les expériences des supervisés sont normalisées, ceux-ci découvrant, par exemple, que d’autres thérapeutes EMDR ont les mêmes doutes et les mêmes angoisses qu’eux.
Bernard et Goodyear soulignent également certains inconvénients de la supervision de groupe :
- Certaines personnes peuvent ne pas tirer pleinement parti de la supervision et le supervisé peut avoir des problèmes particuliers que le superviseur ne peut traiter que dans le cadre d’une séance individuelle.
- La confidentialité peut être un sujet de préoccupation, tant en ce qui concerne les informations sur les patients que les problèmes personnels des supervisés.
- La forme et la structure de la supervision de groupe ne reflètent pas la pratique supervisée, à savoir la thérapie individuelle, qui est la forme habituelle de l’EMDR.
- Certains phénomènes de groupe, tels que la compétitivité et l’insensibilité aux différences culturelles, peuvent entraver l’apprentissage.
Dans l’ensemble, la supervision de groupe est généralement considérée comme aussi efficace que la supervision individuelle (Ögren, Boëthius et Sundin, 2014) et ses avantages tendent à l’emporter sur ses limites (Bernard et Goodyear, 2019).
Types de groupes
Les groupes de supervision EMDR peuvent prendre différentes formes, comme le résument Proctor et Inskipp (2001). Ils ont décrit quatre types de groupes, les trois premiers étant dirigés par un superviseur et le quatrième étant décrit comme un groupe de pairs.
- Type 1. Groupe autoritaire (supervision dans un groupe)
- Type 2. Groupe participatif (supervision avec le groupe)
- Type 3. Groupe coopératif (supervision par le groupe)
- Type 4. Groupe de pairs
Type 1. Groupe autoritaire (supervision dans un groupe)
Le superviseur supervise chaque supervisé à tour de rôle, tandis que les autres supervisés sont principalement des observateurs et des apprenants pendant ce processus. Il s’agit en fait d’une supervision individuelle avec un public.
Type 2. Groupe participatif (supervision avec le groupe)
Le superviseur reste le principal responsable de la supervision de chaque thérapeute. Cependant, il encourage également les membres du groupe à se superviser mutuellement et à commenter les présentations de chacun.
Type 3. Groupe coopératif (supervision par le groupe)
Ici, c’est le groupe lui-même qui assure la supervision. Le rôle du superviseur est celui d’un facilitateur et d’un contrôleur de la supervision. Dans le contexte de la supervision EMDR, le superviseur reste responsable de veiller à ce que les commentaires des membres du groupe soient conformes aux protocoles EMDR.
En outre, en tant qu’évaluateur dans le cadre de l’accréditation, le superviseur évalue également les membres du groupe en fonction de leur compréhension du protocole au cours de ce processus.
Type 4. Groupe de pairs
Dans ce type de groupe, aucun individu n’assume la responsabilité de la supervision. Bien qu’une personne puisse agir en tant que responsable ou coordinateur (un rôle qui peut être tournant au sein du groupe), cette personne n’a aucune responsabilité en tant que superviseur.
De tels groupes existent dans certaines régions du Royaume-Uni sous l’égide de l’Association EMDR. Il convient de noter que les réunions de groupes de pairs ne peuvent pas être prises en compte pour l’accréditation, même si un superviseur EMDR est présent à la réunion. Pour que cela soit tout à fait clair, il a été décidé, lorsque je siégeais au conseil d’administration de l’Association, de qualifier ces groupes de « groupes de soutien par les pairs » plutôt que de « groupes de supervision par les pairs ».
Quel est donc le meilleur type de groupe ?
La réponse est « tout dépend… ».
Si les membres du groupe n’ont pas encore suivi la formation initiale en EMDR niveau 1 ou 2 de sept à huit jours sur l’EMDR ou viennent de la terminer, un groupe autoritaire pourrait être le format le plus efficace. En effet, les participants sont encore en train d’apprendre les protocoles de base de l’EMDR et seraient perdus si on leur demandait de commenter les cas des autres.
Cependant, d’après mon expérience, même dans ce type de groupe, un élément participatif peut souvent s’avérer précieux, et je n’empêcherais pas les autres membres du groupe de commenter lorsqu’un de leurs collègues présente un cas.
D’une manière générale, cependant, plus les membres du groupe sont expérimentés, plus il sera approprié d’opter pour un groupe participatif ou coopératif. En particulier, si le groupe est principalement composé de superviseurs ou de superviseurs en formation, un groupe coopératif les aidera à acquérir et à mettre en pratique les compétences de supervision.
Il se peut qu’un groupe particulier oscille entre autorité et coopération. Par exemple, un groupe qui travaille normalement de manière coopérative peut, à l’occasion, avoir beaucoup plus de cas à discuter et ne pas avoir suffisamment de temps pour impliquer l’ensemble du groupe dans la discussion de chaque cas. Le groupe peut donc être amené à adopter un mode autoritaire pour cette réunion.
Combien de personnes dans le groupe ?
La taille idéale d’un groupe de supervision semble être de quatre à six membres, ni trop grand, ni trop petit. Boalt Boëthius et Ögren (2001) suggèrent qu’un groupe de seulement trois personnes peut devenir trop compétitif, tandis qu’un groupe de quatre personnes peut interagir en binômes. Cependant, à mesure que la taille du groupe augmente, les membres les plus réservés peuvent ne pas participer et certains peuvent commencer à dominer.
En outre, les directives relatives à la fréquence et à la quantité de supervision EMDR de l’EMDR Association UK (2019), dont j’ai rédigé la première version, recommandent que la taille des groupes ne dépasse pas six personnes.
Homogénéité ou hétérogénéité
Les membres d’un groupe peuvent différer à plusieurs égards, par exemple en termes d’âge, de sexe, d’origine ethnique, de nationalité, de formation professionnelle et d’expérience. En général, un groupe plus hétérogène fonctionne mieux (Ögren, Boëthius & Sundin, 2014). Cependant, je m’intéresse ici au niveau de développement individuel en tant que thérapeute EMDR.
Quels sont les avantages et les inconvénients d’une plus grande hétérogénéité dans un groupe de supervision en termes de développement EMDR de ses membres ?
L’avantage d’un groupe homogène est que tout le monde travaille à un niveau similaire et que tout enseignement relatif au protocole EMDR est susceptible d’être pertinent pour tous les membres du groupe. S’il s’agit d’un groupe avancé de superviseurs en formation, le groupe peut également aborder des questions relatives à la supervision qui ne seraient pas pertinentes pour ceux qui ne sont pas encore praticiens accrédités. J’ai animé de tels groupes homogènes, l’un pour des thérapeutes EMDR récemment formés qui souhaitaient obtenir l’accréditation de praticien, et l’autre pour ceux qui souhaitaient obtenir l’accréditation de superviseur, et les deux ont bien fonctionné.
Cependant, j’ai également animé un groupe très hétérogène qui comprenait des superviseurs en formation et des personnes qui n’avaient pas encore terminé leur formation initiale en EMDR. Ce groupe a également très bien fonctionné et, en fait, les superviseurs en formation ont pu mettre en pratique et démontrer leurs compétences en matière de supervision de groupe pendant que je les observais sous la forme d’une supervision en direct, ce qui a bien fonctionné pour tout le monde.
Organisation et structuration des groupes
L’une des choses que vous remarquerez si vous passez de la supervision individuelle à la supervision de groupe est la manière dont la séance doit être organisée. Dans le cas de la supervision individuelle, c’est généralement le supervisé qui fixe l’ordre du jour, décide des sujets à aborder et du temps à consacrer à chaque question de supervision.
Dans un contexte de groupe, cependant, l’ordre du jour doit être fixé par le superviseur, qui devra commencer par déterminer ce que chacun apporte à la supervision afin de formuler un ordre du jour pour le groupe. Parallèlement, le superviseur doit s’assurer que les besoins de supervision de chacun sont satisfaits et que les supervisés se sentent suffisamment en sécurité pour partager leur vulnérabilité face aux difficultés qu’ils rencontrent dans leur travail avec certains patients.
La honte. Elle n’est jamais loin !
En tant que thérapeutes EMDR, nous savons qu’avant de pouvoir commencer à traiter un traumatisme, notre patient doit se sentir en sécurité et disposer de ressources suffisantes sur place. Sans cette « ancrage dans le présent », il ne sera pas prêt à « mettre un pied dans le passé ». De même, dans le cadre de la supervision de groupe, avant de nous sentir à l’aise pour partager nos vulnérabilités concernant notre travail clinique, nous devons nous sentir en sécurité au sein du groupe et avec notre superviseur.
Le fait d’être dans un groupe de supervision et de partager nos erreurs et nos vulnérabilités en tant que thérapeutes peut engendrer un sentiment de honte. Il est important que notre superviseur favorise un climat dans lequel nous pouvons parler ouvertement de nos vulnérabilités sans nous sentir jugés par les membres du groupe. Tout en restant fort et fiable en tant que chef de groupe, un superviseur qui partage certaines de ses propres vulnérabilités et des exemples de situations où il a lui-même « échoué » devrait contribuer à créer une culture appropriée au sein du groupe. Les membres du groupe doivent se sentir en sécurité et savoir qu’ils peuvent faire confiance aux autres membres du groupe ainsi qu’au superviseur (Ögren, Apelman et Klawitter, 2002).
En conclusion, la supervision de groupe peut être effrayante et intimidante. Mais avec une culture de groupe appropriée, elle peut être l’une des expériences les plus enrichissantes, stimulantes et énergisantes qui soient.
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Références de l’article La supervision EMDR de groupe :
- auteurs : Robin Logie
- titre en anglais : Group supervision
- publié dans : EMDR Therapy Quarterly
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