Les phobies

Les phobies

Mis à jour le 19 septembre 2016

Interview de Monika Miravet, psychologue, superviseur EMDR, sur les phobies.

Qu’est ce qu’une phobie simple ?

Contrairement à ce que son nom indique, il n’y a rien de simple dans une phobie. Ce qualificatif signifie que la phobie à trait à un objet ou à une situation spécifique, c’est ce qui la rend ‘simple’ (un objet, un animal, un moyen de transport…).
La peur peut se déclencher sans même que l’objet ne soit présent ou que la situation n’ai lieu, par anticipation. Elle peut se manifester à travers un léger malaise jusqu’à une véritable attaque de panique.

La phobie est donc une peur excessive ?

La peur est une émotion primaire, essentielle, une émotion « normale ». Elle nous permet de réagir en cas de danger. Lorsque la peur se dérègle, elle peut devenir trop intense, non adaptée, disproportionnée par rapport au danger réel, et de moins en moins contrôlable.
La personne souffrant de phobie n’est pas délirante, elle sait que sa peur est irrationnelle.
Le mécanisme de fuite et d’évitement est également un mécanisme absolument naturel et primaire. La personne souffrant de phobie ne peut s’empêcher d’éviter ou de fuir l’objet ou la situation. Si elle ne peut y échapper, elle vit un moment extrêmement pénible.
Ce sont ces mécanismes de fuite et d’évitement qui provoquent le maintien et l’exacerbation de la peur. Le phobique perd sa capacité à gérer la situation et la confiance en ses capacités. Il peut parfois mettre en place des mesures contra-phobiques, sortes de pensées magiques ou superstitions, pour calmer sa peur.

Mais de quoi a-t-on vraiment peur ?

Le phobique a peur du danger que peut provoquer l’objet ou la situation mais aussi de soi même, c’est à dire de sa réaction physique ou de perte de contrôle face à l’objet ou la situation. Lorsque la personne souffrant de phobie a déjà expérimenté un épisode d’attaque de panique, la peur de la peur peut prendre le dessus.
Les phobies les plus fréquentes partent d’ailleurs de situations à danger potentiellement réels ou encore de situations nécessitant un certain lâcher prise. Un animal, ce n’est jamais très bon signe pour mon cerveau archaïque. Et comment lâcher prise dans un objet qui vole alors que je n’ai pas d’ailes ?

Qui souffre de phobie ?

Des enfants aux personnes âgées, personne n’est épargné. Les phobies peuvent être passagères ou s’installer durablement. Elle sont très souvent passagère chez les enfants, leur apparition diminue avec l’âge, et elles s’installent plus volontiers chez les femmes. On les retrouve dans toutes les populations, l’objet peut simplement varier en fonction des cultures. On estime la prévalence d’une phobie simple à caractère pathologique à environ 10% dans la population générale.

Comment s’installe une phobie ?

La phobie est une pathologie de l’anxiété. Tout le monde vit des périodes de tension, engendrées par des facteurs physiques et/ou psychologiques. Cette tension, si elle n’est pas jugulée à temps par des moments de ‘décompression’, peut s’installer, se généraliser, voire faire monter l’anxiété jusqu’à son paroxysme : l’attaque de panique. Cet épisode d’angoisse aiguë peut entrer sans crier gare. Il est évidement de durée et d’intensité variable, bardé de sensations physiques aussi désagréables que diverses, ce qui ne facilite pas son auto diagnostic. Il est tout de même fréquemment caractérisé par une peur intense de mourir ou de devenir fou. Ce moment de crise est un terrain propice à la naissance de divers pathologies fertiles telles que les phobies. Cependant, il n’est pas nécessaire d’avoir vécu une attaque de panique pour voir se developper une phobie.
Il arrive également qu’un ou plusieurs épisodes traumatiques d’intensité variable, en tant que victime ou témoin, provoquent une montée de panique et un encrage phobique. Cela résulterait d’un mauvais traitement de l’information, avec une interprétation erronée ou bloquée du, ou des danger(s) liés à certains objets ou situations. Ces épisodes peuvent survenir pendant une période de stress et/ou engendrer une période de stress.
Ajoutons à ces facteurs les informations familiales et transgénérationnelles transmises, de façon plus ou moins consciente, et bien sûr les facteurs génétiques (plus grande réactivité au stress).
Le repérage des traumatismes n’est parfois pas évident. Il peut s’agir d’une instabilité dans le milieu familial d’origine, de pertes ou deuil traumatiques, parfois répétés, de difficultés de développement non décelées, abus, séparations… Les événements de vie positifs engendrent également leur lot de stress et de difficultés d’ajustement aux situations nouvelles qu’ils engendrent (mariage, promotion, arrivée d’un enfant).
Les stresseurs peuvent être ou devenir chroniques : la fatigue, stress au travail, vie de famille compliquée.
Les variables influençant l’anxiété sont considérables.

Peut on confondre une phobie ?

La phobie (pas si) simple est rarement un motif de consultation, à part lorsqu’elle devient très invalidante. Mais elle fait souvent partie d’un mal être associée à d’autres problématiques, souvent dans un registre anxieux, de troubles de l’humeur ou d’utilisation d’une substances.
Elle est souvent confondue avec :
–    la phobie sociale (définie ci dessous) souvent appelée anxiété sociale
–    Le TOC, qui se distingue par les pensés intrusives et les compulsions.
–    L’hypochondrie. L’hypochondriaque a peur d’être porteur une maladie, et non d’attraper une maladie lors d’une situation particulière.
–    L’état de stress post traumatique simple, qui peut conduire à une peur irrationnelle de certaines situations, générer le l’anxiété et des conduites d’évitement.

Qu’est ce que la phobie sociale ?

Il s’agit d’une difficulté majeure face à l’exposition au regard et au jugement de l’autre.
Le phobique social éprouve une peur déraisonnée face à une ou plusieurs situations dites ‘sociales’ : parler en public, être face à un inconnu, être observé… Il évite ou fuit ces situations et éprouve une anxiété intense lorsqu’il y est confronté. Il reconnait la nature irrationnelle de son anxiété. Les phobies sociales sont à l’origine de nombreuses complications psychologiques, comme la dépression. Les problèmatiques d’affirmation de soi et d’estime de soi sont largement associées.

Qu’est ce qu’une attaque de panique et un trouble panique ?

L’attaque de panique est un épisode de malaise intense, qui survient brutalement, qui a un début et une fin. Les manifestions peuvent être nombreuses et divergent d’un individu à l’autre. Le malaise physique (palpitations, étouffement, transpiration, tremblements, etc.) ainsi que la peur de mourir, de perdre le contrôle ou de devenir fou caractérise cet épisode.
Lorsque ces attaques de panique sont récurrentes, qu’elles devinent de plus en plus inattendues, et qu’il existe  des préoccupations liés à ces attaques et une anxiété anticipation, on parle de trouble panique.

Qu’est ce que l’agoraphobie ?

Cette phobie est considérée à part. Il s’agit d’une complication du trouble panique.
Elle peut être définie comme une forte anxiété liée au fait de se retrouver dans des endroits ou des situations dont il serait difficile d’échapper : dehors, dans la foule, dans les magasins, les transports, mais aussi dans un espace clos, les endroits déserts ou bien être seul où que ce soit.  L’agoraphobe a peur de ne pas pouvoir obtenir d’aide ou bien de voir survenir une nouvelle attaque de panique. Comme dans phobie  simples, ces lieux ou situations sont évités et il existe une anticipation anxieuse. L’agoraphobie peut  se généraliser, les évitements allant parfois jusqu’à ne plus pouvoir sortir d’un zone de sécurité voire de chez soi.
L’agoraphobe utilise des techniques ‘contra phobique’, c’est à dire des objets ou mesures prises pour maitriser l’angoisse et affronter l’extérieur (un objet ‘porte bonheur’, un parcours précis, une boite d’anxiolytique dans son sac etc.).

Comment se soigner ?

Et bien en évitant… d’éviter ! Il faut remettre le processus en route, dans le but de reprendre confiance en ses capacités à affronter l’objet ou la situation.
Les TCC avec leurs modèles d’exposition et de désensibilisation sont très efficaces pour les phobies (vraiment) simples. La thérapie EMDR peut être extrêmement utile pour analyser les facteurs traumatiques au sens large qui ont engendré l’anxiété et pour travailler sur toutes les problématiques associées.
Il est primordial dans tout les cas de mettre en place des outils de relaxation, détente, respiration, d’équilibre de vie pour décompresser et apprendre à reprendre le contrôle de certaines situations.

Parlons EMDR

Il existe des protocoles spécifiques basés sur le protocole standard pour traiter les phobies simples. Dans le manuel de formation initiale niveau 2, quelques pages résument les questions à poser en plus du plan de ciblage standard afin que les cibles soient le mieux définies, et par conséquent le plus efficace possible. Il est nécessaire de faire beaucoup de psycho éducation sur les symptômes et de prendre le temps de comprendre les mécanismes qui sous tendant la phobie. Le travail va être orienté vers l’action. A un moment dans la thérapie, le phobique devra se confronter à nouveau à la situation.
Le travail préliminaire sera axé sur la diminution de l’anxiété générale, les facteurs de cette anxiété et l’apprentissage des techniques de gestion émotionnelle.
L’ordre de traitement des cibles sera adapté. La thérapie orientée vers l’action sera ponctuée de travail de désensibilisation et retraitement de cibles passées, présentes et futures. Et la peur de la peur ainsi que les expériences de peur intense et les attaques de panique (traumatiques pour qui le vit) seront traitées.
Il existe un protocole traduit en français ainsi que plusieurs articles de Ad de Jong. Ce dernier propose un travail sur le choix des cibles et une méthode ce centration sur le scénario catastrophe appelée flashfoward.

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