
Recevoir un mineur seul : avec ou sans l’accord des deux parents ?
Mis à jour le 17 décembre 2025
Un parent vous contacte pour son enfant. Il souhaite démarrer un suivi. Vous posez quelques questions et vous comprenez que les parents sont séparés, que la situation est « un peu tendue », et que l’autre parent « n’est pas vraiment au courant ».
Pouvez-vous recevoir l’enfant ? Devez-vous exiger l’accord écrit des deux parents ? Que risquez-vous si vous commencez le suivi sans cet accord ?
Ces questions se posent très souvent — et les réponses sont moins tranchées qu’on ne le croit.
Le principe : l’autorité parentale est exercée conjointement
L’article 372 du Code civil est clair : les parents exercent l’autorité parentale « en commun ». La séparation du couple ne change rien à ce principe, sauf décision de justice contraire.
Cela signifie que les deux parents ont, en principe, leur mot à dire sur les décisions importantes concernant leur enfant — y compris le suivi psychologique.
Mais le droit prévoit aussi un mécanisme de simplification pour la vie quotidienne : l’article 372-2 dispose que, pour les actes usuels, chaque parent est réputé agir avec l’accord de l’autre. Le tiers de bonne foi (vous, en l’occurrence) n’a pas à vérifier systématiquement que l’autre parent est d’accord.
Toute la question est donc : le suivi psychologique est-il un acte usuel ou non ?
Acte usuel ou acte non usuel ? Une frontière floue
Il n’existe pas de liste officielle des actes usuels et non usuels. La jurisprudence et la doctrine permettent cependant de dégager quelques repères.
Sont généralement considérés comme usuels :
- Une consultation ponctuelle, isolée
- Un rendez-vous de « premier contact » ou d’évaluation rapide
Sont généralement considérés comme non usuels :
- Un suivi psychologique régulier, sur plusieurs semaines ou mois
- Un bilan psychologique approfondi
- Toute démarche engageant l’avenir de l’enfant ou touchant à ses droits fondamentaux
La cour d’appel de Douai a ainsi jugé qu’un psychologue saisi par un seul parent, dans un contexte de divorce conflictuel, pour une « demande d’évaluation ou d’observation d’un enfant mineur aux fins d’établissement d’un bilan thérapeutique » ne pouvait pas « faire l’économie de vérifier le consentement » de l’autre parent.
La CNCDP (Commission nationale consultative de déontologie des psychologues) a également pris position : une consultation ordinaire relève de l’acte usuel et ne nécessite pas l’autorisation des deux parents, alors qu’une psychothérapie constitue un acte non usuel.
Ce qui fait tomber la présomption d’accord
Même pour un acte usuel, la présomption d’accord de l’autre parent disparaît dans certaines situations :
- Vous savez que les parents sont en désaccord (l’un des deux vous l’a dit, ou le contexte le laisse clairement supposer)
- L’autre parent vous contacte pour s’opposer au suivi
- Vous êtes informé·e d’une procédure judiciaire en cours concernant l’enfant ou l’autorité parentale
Dans ces cas, l’article 372-2 ne s’applique plus. Vous ne pouvez plus vous prévaloir de votre « bonne foi » de tiers.
Le cas particulier de l’adolescent qui consulte seul
La situation se nuance lorsqu’il s’agit d’un adolescent suffisamment mature.
Le code de déontologie des psychologues (article 11) rappelle que le psychologue doit s’assurer « autant que possible » du consentement du mineur lui-même, en plus de rechercher l’autorisation des représentants légaux.
Plus l’adolescent avance en âge et en maturité, plus son avis compte. Un jeune de 16 ans qui prend l’initiative de consulter n’est pas dans la même situation qu’un enfant de 8 ans amené par un parent.
Concrètement :
- Le consentement de l’adolescent est un élément important de la prise en charge, même s’il ne remplace pas juridiquement l’autorisation parentale.
- Un adolescent peut exprimer le souhait de consulter sans que ses parents le sachent — ce qui place le psychologue face à un dilemme entre respect de l’autonomie du jeune et cadre légal de l’autorité parentale.
- Dans certains cas (notamment en lien avec la santé sexuelle ou la contraception), la loi permet au mineur d’accéder à des soins sans autorisation parentale. Le suivi psychologique n’entre pas dans ce cadre spécifique, mais l’esprit de ces dispositions — reconnaître progressivement l’autonomie du mineur — peut éclairer votre pratique.
En cas de doute, une posture prudente consiste à recevoir l’adolescent pour un premier entretien, puis à travailler avec lui sur la manière d’impliquer ses parents — sauf si cela le met en danger.
Que faire concrètement ?
Situation 1 : Un parent vous contacte, pas de conflit apparent
Vous pouvez recevoir l’enfant pour une première consultation. Pour un suivi régulier, il est prudent de demander que l’autre parent soit informé — sans nécessairement exiger un accord écrit formel si aucun indice de désaccord n’existe.
Situation 2 : Vous savez que les parents sont séparés et en conflit
La vigilance s’impose. Avant d’engager un suivi au long cours :
- Demandez au parent présent de confirmer que l’autre parent est informé
- Proposez, si possible, de recevoir les deux parents ensemble pour poser le cadre
- Si ce n’est pas possible, suggérez que le parent présent informe l’autre par écrit (SMS, mail) et vous transmette la preuve de cette information
Situation 3 : Un parent s’oppose expressément au suivi
Vous ne pouvez pas ignorer cette opposition. Le suivi ne peut pas se poursuivre « comme si de rien n’était ». Plusieurs options :
- Tenter une médiation entre les parents (éventuellement en les recevant ensemble)
- Les orienter vers un médiateur familial
- Leur rappeler que le juge aux affaires familiales est seul compétent pour trancher ce désaccord
- En attendant, suspendre ou adapter le suivi selon ce que l’intérêt de l’enfant commande
Attention : vous n’êtes pas tenu·e d’interrompre brutalement un suivi si cela risque de nuire à l’enfant. Mais vous devez clarifier la situation et ne pas vous substituer au juge.
Le cas particulier de l’enfant en danger
Si vous estimez que l’opposition d’un parent au suivi — ou plus largement que la situation familiale — met l’enfant en danger, le cadre change radicalement.
En cas de danger pour l’enfant, le signalement ou l’information préoccupante s’impose, même si un ou les deux parents s’y opposent. La protection de l’enfant prime sur l’exercice de l’autorité parentale.
Dans ce cas :
- Ce n’est plus le juge aux affaires familiales qui est compétent, mais le dispositif de protection de l’enfance (Conseil départemental, Procureur, Juge des enfants).
- L’opposition parentale ne peut pas faire obstacle à votre obligation de protection.
- Vous n’avez pas à obtenir l’accord des parents pour signaler une situation de danger — et vous n’avez d’ailleurs pas à les en informer préalablement si cela risque d’aggraver la situation.
Quelques réflexes pour sécuriser votre pratique
Posez la question du contexte familial dès le premier contact : les parents sont-ils ensemble ? Séparés ? Y a-t-il un conflit ? Une procédure en cours ?
Expliquez votre cadre : informez le parent présent que vous travaillez dans le respect de l’autorité parentale conjointe, et que l’autre parent a le droit d’être informé du suivi.
Gardez une trace : notez dans votre dossier les informations recueillies sur le contexte familial, les démarches faites pour informer l’autre parent, et les éventuelles oppositions exprimées.
Ne prenez pas parti : votre rôle n’est pas de décider quel parent a raison. Si les parents ne s’entendent pas, orientez-les vers les instances compétentes (médiateur, JAF).
En cas de doute, demandez conseil : à un confrère expérimenté, à une organisation professionnelle, ou lors d’une supervision.
Des situations qui méritent des repères clairs
Peut-on recevoir un adolescent qui vient seul, sans ses parents ? Que faire si un parent « disparaît » et ne répond plus ? Comment réagir face à une décision de justice qui modifie l’exercice de l’autorité parentale en cours de suivi ?
Ces questions se posent régulièrement — et les réponses ne s’improvisent pas.
Ces situations complexes sont détaillées dans notre formation « Cadre juridique et éthique pour la pratique clinique et l’exercice professionnel », , animée par Mélanie Dupont (psychologue, AP-HP, co-auteure de Droit à l’usage des psychologues, Dunod, 2024). Nous y explorons comment concilier sécurité juridique et accompagnement respectueux de l’enfant.
Les informations présentées ici sont à titre informatif et ne remplacent pas l’avis d’un professionnel du droit. Les règles peuvent évoluer, et il est recommandé de vérifier la législation en vigueur ou de consulter un juriste en cas de situation spécifique.
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