
Un parent vous demande le compte-rendu des séances de son enfant : que répondre ?
Mis à jour le 17 décembre 2025
La demande est fréquente — et souvent source de malaise. Un père séparé veut savoir « ce que dit son fils en séance ». Une mère demande un rapport détaillé pour son avocat. Un parent exige de connaître « tout ce qui se passe » lors des consultations.
Entre le droit des parents à être informés et la nécessité de préserver la parole de l’enfant, comment se positionner ? La réponse n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire.
Ce que dit le droit : l’autorité parentale implique un droit à l’information
Commençons par le cadre légal. L’autorité parentale est définie par l’article 371-1 du Code civil comme un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle inclut notamment le devoir de veiller à sa santé — ce qui concerne directement le suivi psychologique.
Deux principes essentiels :
- Les deux parents exercent conjointement l’autorité parentale, que le couple soit uni ou séparé. La séparation ne change rien à ce point (sauf décision de justice contraire).
- Chaque parent dispose d’un droit à l’information concernant son enfant. Ce droit découle de l’exercice même de l’autorité parentale.
Concrètement : un parent qui n’a pas accompagné l’enfant en consultation est en droit de savoir que son enfant est suivi par un psychologue, et d’obtenir des informations générales sur ce suivi.
Informer n’est pas tout dire : la distinction cruciale
Mais — et c’est là que les choses se compliquent — le droit à l’information des parents ne signifie pas un droit d’accès au contenu intégral des séances.
Pourquoi ? Parce qu’un autre principe entre en jeu : l’intérêt supérieur de l’enfant, garanti par la Convention internationale des droits de l’enfant (article 3).
La CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) a précisé, dans un avis concernant un établissement de santé, que la communication du dossier d’un mineur à ses parents devait être appréciée en faisant prévaloir cet intérêt supérieur. Elle a admis qu’un établissement pouvait légitimement refuser de communiquer un compte-rendu relatant les propos tenus par un mineur lors d’un suivi psychologique, si cette communication était susceptible de constituer une menace pour sa santé, sa sécurité ou son bien-être.
Cet avis concerne directement les établissements publics, mais le principe qu’il pose — faire prévaloir l’intérêt de l’enfant — constitue une référence utile pour tout psychologue, y compris en exercice libéral.
En clair : le parent a le droit de savoir que l’enfant consulte, d’être informé du cadre général du suivi, de connaître les préconisations du psychologue — mais pas nécessairement d’accéder au verbatim de ce que l’enfant confie en séance.
L’alliance thérapeutique avec l’enfant : un enjeu clinique et juridique
Cette distinction n’est pas qu’une subtilité juridique. Elle correspond à une réalité clinique fondamentale : pour qu’un enfant parle, il doit se sentir en confiance. Et cette confiance repose sur la certitude que sa parole ne sera pas intégralement rapportée à ses parents.
Le code de déontologie des psychologues (article 11) rappelle que le psychologue doit s’assurer « autant que possible » du consentement du mineur et rechercher l’autorisation des représentants légaux « dans le respect des règles relatives à l’autorité parentale ».
Cette formulation nuancée reconnaît implicitement que le respect de l’autorité parentale ne signifie pas transparence totale sur le contenu des séances.
Parents séparés : le cas le plus délicat
La situation se complique encore lorsque les parents sont séparés — a fortiori en cas de conflit.
Ce qu’il faut retenir :
- Les deux parents conservent leur autorité parentale (sauf décision judiciaire contraire) et donc leur droit à l’information.
- Le parent qui amène l’enfant est réputé agir avec l’accord de l’autre pour les « actes usuels » (article 372-2 du Code civil). Mais cette présomption tombe dès que vous savez qu’il y a désaccord.
- Si un parent s’oppose expressément au suivi, le psychologue doit clarifier la situation : vérifier les modalités d’exercice de l’autorité parentale, tenter une médiation entre les parents si possible, et en cas de blocage persistant, les orienter vers le juge aux affaires familiales — seul compétent pour trancher ce type de désaccord. Le psychologue n’a pas à se substituer au juge, mais il n’est pas non plus tenu d’interrompre brutalement un suivi sans avoir exploré ces pistes.
Et pour le compte-rendu ?
Chaque parent peut légitimement demander à être informé du suivi. Mais cette information ne doit pas devenir une arme dans le conflit parental — ce qui arrive fréquemment.
La cour d’appel de Douai a rappelé que le psychologue saisi par un seul parent dans un contexte de séparation conflictuelle ne pouvait pas « faire l’économie de vérifier le consentement » de l’autre parent pour une démarche non usuelle (comme un bilan ou un suivi au long cours).
Que peut-on transmettre concrètement ?
Voici ce qui peut généralement être communiqué aux parents — sans trahir la parole de l’enfant :
Ce qui peut être dit :
- Le fait qu’un suivi est en cours, sa fréquence, son cadre général
- L’état clinique global de l’enfant (sans entrer dans le détail des propos)
- Les préconisations du psychologue (poursuite du suivi, orientation éventuelle…)
- Les éléments nécessaires à la cohérence éducative
Ce qui ne devrait pas être transmis :
- Le contenu précis des confidences de l’enfant
- Les propos de l’enfant sur l’un ou l’autre parent
- Des éléments qui pourraient être utilisés contre l’enfant ou contre l’autre parent
Exemple de formulation « sûre » pour un compte-rendu :
« L’enfant bénéficie d’un accompagnement psychologique à raison d’une séance hebdomadaire depuis [date]. Il présente des manifestations anxieuses en lien avec le contexte familial. Le travail en cours vise à lui permettre de mieux identifier et réguler ses émotions. La poursuite du suivi est recommandée. »
Ce type de formulation informe le parent sur le cadre et l’orientation du suivi, sans révéler le contenu des échanges ni exposer l’enfant.
Comment se protéger en pratique
Quelques réflexes utiles face à ces demandes :
- Poser le cadre dès le début du suivi : expliquer aux parents (aux deux, si possible) ce qui sera ou non communiqué, et pourquoi.
- Distinguer information orale et écrit formel : un échange verbal avec le parent peut suffire dans beaucoup de situations, sans produire de document qui pourrait être détourné de son usage.
- En cas de séparation conflictuelle, sécuriser la traçabilité : conserver une trace des informations données à chaque parent, des désaccords exprimés, des précautions prises.
- Ne pas prendre parti : le psychologue n’est pas là pour trancher un conflit parental. Si les parents sont en désaccord profond, c’est au juge aux affaires familiales de décider.
- En cas de doute sur l’intérêt de l’enfant : si la communication d’informations vous semble contraire à son bien-être, vous pouvez vous appuyer sur l’intérêt supérieur de l’enfant pour limiter ce que vous transmettez.
Des questions qui méritent un cadre clair
Peut-on recevoir un enfant sans l’accord des deux parents ? Que faire si un parent « interdit » le suivi ? Comment rédiger un compte-rendu qui informe sans exposer l’enfant ? Jusqu’où va le droit d’accès au dossier ?
Ces questions se posent quotidiennement en cabinet — et les réponses varient selon les contextes. Se fier à son intuition clinique ne suffit pas toujours à se protéger juridiquement.
Ces situations complexes sont abordées en détail dans notre formation « Cadre juridique et éthique pour la pratique clinique et l’exercice professionnel », animée par Mélanie Dupont (psychologue, AP-HP, co-auteure de Droit à l’usage des psychologues, Dunod, 2024). Une occasion de concilier sécurité juridique et accompagnement de l’enfant.
Les informations présentées ici sont à titre informatif et ne remplacent pas l’avis d’un professionnel du droit. Les règles peuvent évoluer, et il est recommandé de vérifier la législation en vigueur ou de consulter un juriste en cas de situation spécifique.
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