Apprenons à nous soigner

Apprenons à nous soigner

Mis à jour le 14 octobre 2022

David Servan-Schreiber – Psychologies Magazine – Décembre 2003

Lorsque l’on évoque des méthodes naturelles de traitement ayant prouvé leur efficacité lors d’études contrôlées, on se heurte souvent à un scepticisme parfaitement légitime : « Si ça marchait, ça se saurait, non ? » Ma réponse est : « Ça marche, mais, malheureusement, ça ne se sait pas forcément et cela se pratique fort peu. » Voici pourquoi.
D’abord, si l’efficacité de certaines méthodes naturelles, pour des indications bien précises, a été démontrée, leur mécanisme d’action reste souvent mystérieux. C’est le cas, par exemple, de l’acupuncture – efficace contre les nausées de la grossesse ou de la chimiothérapie, et pourtant rarement recommandée – ou de l’EMDR (Eye Movement Desensitivation and Reprocessing, ou intégration neuroémotionnelle avec les mouvements oculaires) dont les résultats sur les syndromes de stress posttraumatique sont remarquables mais peu connus. Cela nous gêne, nous, médecins occidentaux, scientifiques et cartésiens, de ne pas comprendre comment ces techniques fonctionnent. Je crois pourtant qu’il n’est pas rationnel de se priver de traitements efficaces pour cette raison.
Ensuite, ces méthodes naturelles ne peuvent être brevetées. Impossible de « protéger » l’exercice physique, la respiration ou les huiles de poisson ! Il n’existe donc aucun moteur économique pour encourager leur utilisation, comme c’est le cas lors de la découverte d’un nouvel antibiotique ou d’un antidépresseur. Mais la Sécurité sociale, elle, aurait tout à gagner financièrement de l’usage de méthodes plus efficaces, moins risquées et moins onéreuses (même si, pour le moment, les choses ne semblent pas aller dans cette direction). Aux Etats-Unis, elle a déjà commencé à étudier de près les approches naturelles de traitement des maladies cardiovasculaires pour voir si, ultérieurement, elles pourraient se généraliser.
Le modèle actuel de la relation médecin-malade ne se prête pas non plus à la pratique de telles méthodes. Enseigner l’importance de l’exercice physique, de la nutrition, de la respiration est répétitif et peut devenir ennuyeux lorsqu’il faut le faire avec chaque patient. Pour des consultations médicales payées à l’acte plutôt qu’au temps passé, ce n’est guère rentable. Difficile d’exiger des médecins un tel sacrifice.
Nous devenons responsables de notre propre équilibre physique et émotionnel. Nous avons donc besoin d’apprendre comment nous prendre en charge personnellement. Et nous n’acceptons plus d’être traités par des approches techniciennes qui ne respectent pas notre nature. A nous de demander à nos médecins de nous transmettre les informations susceptibles d’améliorer notre santé. Face à la maladie et à la souffrance, nous attendons d’eux qu’ils nous assistent dans ce qui est finalement, pour chacun, une aventure.
Décembre 2003

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