
EMDR axé sur les affects : rencontre avec Olivier Van Limbergen
Mis à jour le 20 septembre 2025
L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) continue d’évoluer et de se réinventer pour répondre aux défis cliniques contemporains. Parmi les développements récents les plus prometteurs figure l’EMDR axé sur les affects (AF-EMDR), une approche innovante développée par Olivier Van Limbergen et Ludwig Cornil en Belgique.
Dans cet entretien mené par Michel Lahaye, Olivier Van Limbergen nous invite à découvrir :
- Les fondements théoriques de l’AF-EMDR
- Les indications cliniques privilégiées de cette approche
- Un exemple concret d’application thérapeutique
- Le positionnement de cette méthode par rapport au protocole standard
- L’accueil international de cette innovation
Article publié en néerlandais – accès libre en ligne
Interview
L’EMDR axé sur les affects a fait son apparition cette année. Après les formations d’essai avec les superviseurs d’EMDR Belgium et le centre de traumatologie Leonce Roels, le premier atelier public a eu lieu cette année à Zottegem.Au niveau international également, nos collègues Olivier Van Limbergen et Ludwig Cornil ont fait forte impression lors de divers congrès grâce à leur méthode de travail innovante. C’est pourquoi le comité Recherche a décidé de s’entretenir brièvement avec le créateur de l’EMDR axée sur les affects (abrégée AF-EMDR), Olivier Van Limbergen.
Michel : Pour ceux qui ne connaissent pas encore votre approche… qu’est-ce que l’Affect Focused EMDR ?
Olivier : Eh bien, c’est avant tout une façon de penser. Aujourd’hui, nous sommes submergés de protocoles EMDR qui sont appliqués à chaque fois à un symptôme ou une pathologie différente, mais qui ne sont en réalité que des dérivés du protocole de base. Ce que nous voulons démontrer, c’est que l’essence reste la même, à savoir ressentir l’affect le plus profondément possible afin de parvenir à un processus de guérison.
En même temps, nous voulons aussi montrer que les moyens d’y parvenir peuvent aller bien au-delà de ce que nous offre le protocole de base. Concrètement, cela signifie que nous pouvons intégrer les sentiments par différents moyens, tels que le symptôme, un déclencheur ou une sensation physique, et donc pas uniquement par le souvenir. Nous préférons partir de l’affect physique, qui est souvent immédiatement disponible, afin de laisser le corps s’exprimer de manière ascendante et d’intégrer la douleur.
Michel : Que veux-tu dire exactement par « laisser le corps s’exprimer de manière ascendante » ? Peux-tu donner un exemple ?
Olivier : L’EMDR a toujours été considérée comme une « thérapie ascendante », car elle va très rapidement à la source de la douleur et les cognitions jouent un rôle beaucoup moins important que dans la thérapie par la parole, par exemple. Dans le même temps, le protocole de base part toujours du souvenir pour aller vers l’affect, afin de le traiter. Avec l’AF-EMDR, nous constatons à chaque fois que lorsque nous partons de l’affect physique, les souvenirs remontent spontanément. En laissant le corps s’exprimer à partir de la sensation, il montre lui-même où se situent les points douloureux de cette sensation.
Michel : Dans quelles situations cliniques peut-il être intéressant de recourir à l’AF-EMDR ?
Olivier : En fait, dans toutes les situations où les symptômes ne sont pas directement liés à un souvenir. Je pense en premier lieu aux traumatismes complexes, tels que les situations éducatives difficiles. Très souvent, les gens ont un sentiment désagréable, mais l’origine de celui-ci n’est pas facile à identifier. L’image de soi et les sentiments d’attachement peuvent rarement être ramenés à un ou plusieurs souvenirs, c’est une douleur qui s’est souvent insinuée dans le corps pendant des années. Ainsi, au lieu d’organiser de longues recherches de souvenirs, nous proposons de travailler avec ce qui est disponible pour activer la douleur. Et dans de nombreux cas, cette douleur est déjà présente dès que le client franchit le seuil de notre cabinet, généralement sous la forme d’une affectivité physique.
Michel : Pourriez-vous donner un bref exemple d’un patient qui a bénéficié de cette autre façon de travailler ?
Olivier : Récemment, une personne ayant subi des abus est venue me consulter. Elle avait déjà suivi une thérapie EMDR pour cette situation d’abus, mais sans succès. En effet, chaque fois qu’on lui demandait de se remémorer ce souvenir ou une image traumatisante, son corps se bloquait et elle ne pouvait pas ressentir la douleur. Lorsque nous avons simplement commencé la séance d’AF-EMDR à partir de son affect physique, son corps s’est spontanément tourné vers ce souvenir et ses défenses n’ont pas eu le temps de se mettre en place pour se protéger de la douleur. C’est ce qui est formidable avec l’AF-EMDR : le corps sait généralement lui-même comment s’y prendre et les défenses ont beaucoup moins de chances de saboter le processus.
Michel : Au fait, comment se déroule une séance AF ? Imaginons que je sois un client souffrant de dépression. J’ai déjà suivi une thérapie et essayé l’EMDR, mais sans résultat satisfaisant.
Olivier : Il n’y a pas de manière typique de commencer une séance, nous ne proposons pas de protocole spécifique. En effet, chaque patient et chaque thérapie sont uniques, et chaque moment est différent. Chaque dynamique nécessite des interventions différentes pour aider les gens à surmonter leur douleur. Le message que nous voulons donc faire passer est que les clients viennent chez nous pour surmonter leur douleur et que nous pouvons activer cette douleur de nombreuses manières différentes. Nous invitons tout particulièrement nos étudiants à trouver leur propre style. Enfin, nous voulons que les thérapeutes n’aient pas peur d’activer la douleur chez le client. Les gens sont en effet capables de beaucoup plus que nous ne le pensons (ou craignons… ?).
Michel : Comment l’AF-EMDR se positionne-t-elle par rapport au protocole standard ? Ce dernier est-il encore nécessaire ?
Olivier : Le protocole standard restera toujours la base à partir de laquelle l’EMDR a été créé. Il offrira toujours un refuge sûr aux thérapeutes qui souhaitent traiter un traumatisme unique à partir des souvenirs à l’aide d’un protocole fixe. Dans le même temps, nous pensons que le moment est venu d’étendre l’application de l’EMDR au-delà de ce qui se fait aujourd’hui. Il faut aller au-delà du protocole de base et éviter de formuler à chaque fois de nouveaux protocoles pour chaque symptôme possible.
Michel : Vous avez présenté cette approche à de nombreux collègues internationaux. Comment cette nouvelle méthode de travail a-t-elle été accueillie ? Avez-vous eu le sentiment qu’elle suscitait beaucoup d’intérêt et de reconnaissance ?
Olivier : Oui, énormément ! Si l’année écoulée nous a appris quelque chose, c’est bien que la grande majorité des thérapeutes EMDR européens partageaient déjà notre point de vue. Il faut parfois donner quelques explications supplémentaires aux théoriciens, mais ceux qui ont les pieds sur le terrain comprennent immédiatement ce que nous voulons dire. Très souvent, les thérapeutes nous ont dit qu’ils faisaient déjà, souvent en secret, ce que nous leur proposions.
Michel : Merci Olivier !
En savoir plus
Références de l’article EMDR axé sur les affects : rencontre avec Olivier Van Limbergen :
- auteurs : Michel Lahaye
- titre en néerlandais : Affect Focused EMDR: Ontmoeting met Olivier Van Limbergen
Aller plus loin
Cornil, L., & Van Limbergen, O. (2024). Treating relational trauma with EMDR [Conference presentation]. EMDR UK Annual Conference and AGM, York, United Kingdom.
Formation(s) : Approche EMDR centrée sur les affects (Affect Focused EMDR)