Place de la thérapie EMDR face à la dimension spirituelle

Mis à jour le 30 septembre 2022

Place de la thérapie EMDR face à la dimension spirituelle, un article de Admane, D. Z., publié dans le Bulletins des Recherches Scientifiques

Article publié en français – accès libre en ligne

Résumé 

Cet article traite la question de l’importance du rôle des variables culturelles et plus précisément spirituelles et religieuses dans la prise en charge psychothérapeutique globale des patients issus d’une société islamo conservatrice présentant des troubles psychiques, notamment lorsqu’il s’agit de pratiquer les thérapies occidentales telles que la thérapie (EMDR).

L’objectif principal de l’article est d’évaluer l’efficacité de l’EMDR (qui est une pratique occidentale à l’origine), à aborder la dimension spirituelle dysfonctionnelle souvent indissociable des troubles psychiques ainsi que son mécanisme d’intégration de cette dimension dans le processus psychothérapeutique de deux vignettes cliniques (enfant & adulte), les résultats qualitatives montrent l’adaptabilité de la thérapie dans ce contexte d’exercice.

Introduction 

La thérapie est née depuis que l’homme existe, elle peut être spirituelle, traditionnelle, psychanalytique ou neuro-émotionnelle…etc. il est parfois Difficile pour les thérapeutes d’avoir une technique valable pour tous les sujets, c’est pourquoi, les psychothérapies intégratives ont tendance à prouver leur efficacité, car elles prennent le patient dans sa totalité et dans le respect de son existence ; Bruner (1990) pense que l’esprit et l’existence sont des reflets de la culture et de l’histoire.

L’interaction du sujet avec les différentes instances régulatrices de la société (traditions, rites, religions…), forme un socle pour l’expression du comportement aussi normal ou pathologique soit -il, si le normal est considéré comme tout comportement adapté, accepté et toléré socialement, le pathologique est ce qui sort de l’ordinaire. Cette distinction entre le normal et le pathologique peut disparaitre lorsque le trouble est interprété à partir des éléments socio-culturels et dépendra essentiellement de la conception qu’à le sujet de sa maladie et du contexte dans lequel il évolue. D’ailleurs, on le voit dans certaines sociétés conservatrices, où les croyances religieuses attribuent aux troubles psychiques un sens autre que celui de la maladie mentale, le trouble est systématiquement externalisé sur le registre des forces maléfiques (Jinns, mauvais œil, ou dû à un acte de sorcellerie); c’est alors, que les troubles passeront du registre « pathologique » au registre « mystique », et devient alors banalisé malgré le fait qu’il traduit en réalité le débordement psychique et le déni de toute forme de vulnérabilité de l’être.

A ce sujet, la psychanalyse, prétend que le recours à la croyance est une forme de régression de la pensée vers l’illusion (Freud, 1920, 1930) Rares sont les auteurs qui se sont intéressés à cette question, notamment en Algérie, A. SiMoussi voit que ces patients sont tellement fragiles qu’ils adoptent une position de toute puissance en projetant leur incapacité sur la personne du thérapeute en le mettant en échec, notamment, lorsqu’ils attribuent leurs souffrances à une malédiction divine, devant laquelle toute action ou intervention humaine ne peut être que vaine. A cet effet, il recommande aux psychothérapeutes d’«assumer» et de comprendre l’émergence d’un tiers dans une relation thérapeutique donnée, ceci est nécessaire pour l’installation et le maintien du processus d’aide. (In De Gaulejac& Roy, 1993, p.251) L’objectif de ce travail est de démontrer à travers deux vignettes cliniques tirées de notre pratique, combien la thérapie EMDR est capable de prouver l’efficacité de son processus universel dans le traitement adaptatif de l’information traumatique chez des patients appartenant aux cultures reniant dans un sens cette thérapie.

L’auteur, à travers sa longue expérience de thérapeute EMDR, vise à mettre la lumière sur l’impact de la thérapie EMDR sur les croyances mystiques des patients qui se plaignent d’être dominés par des forces maléfiques. Le sujet qui a stimulé le plus notre réflexion, c’est l’inscription de ces patients, (dans la double dimension psychologique & spirituelle), et leur insistance à se faire accompagner par un psychothérapeute pour des plaintes (mal être, échec, trouble du sommeil, attaque de panique..etc) et qui sont toujours attribuées selon eux aux atteintes maléfiques citées précédemment afin de ne pas remettre en cause le travail effectué par le (Raki) pour retrouver la paix intérieure et soulager l’impact de ces plaintes.

Pour répondre à ces questionnements, l’auteur s’interroge sur la place des croyances mystiques dans le processus psychothérapeutique, entravent-elles l’évolution des soins ? ou au contraire, constituent-elles un moteur pour l’avancement de la thérapie ?

Nous émettons l’hypothèse que les croyances mystiques traduisent un débordement fantasmatique archaïque survenant chez certains sujets prédisposés dont le poids des interdits familiaux, sociologiques et religieux met en faillite leur système défensif.

La toile de fond utilisée pour expliquer les résultats est le modèle (TAI) le traitement adaptatif de l’information que nous expliquerons plus loin; il est important de souligner que face à l’inscription de nos patients à ce dualisme (spirituel et psychologique), nous avons choisi d’adopter une attitude contenante, ouverte et neutre, permettant d’accueillir le matériel que nous ramène le patient et de travailler avec ; dans le respect de cette entité mystique et du système de croyances des patients tout en s’abstenant à les influencer à suivre ou à laisser tomber cette piste du mystique.

Cette attitude contenante lutte contre tout clivage du dualisme qui séparerait radicalement le spirituel du psychologique, mais elle reste une attitude risquée, toutefois on doit garder à l’esprit la différence qui distingue ces deux volets pour éviter de sombrer dans des confusions dangereuses qui peuvent dans certains cas basculer l’ordre des choses, nous faisons allusion ici au cadre thérapeutique et tout ce qu’il porte en lui comme notion fondamentale régulatrice de la relation thérapeutique.

Le choix de prendre le patient dans sa globalité est étayé par les propos de Yalom (2008) qui pense que la religion dans son usage positif, peut entrer en jeu dans un champ important de la vie de chacun en donnant du sens. Ceci est consolidé par les travaux de (Pekins& al, 2012) qui stipulent que la religion peut donner des réponses aux grandes questions de la vie, donc d’aider le patient à élaborer les conflits.

Mais il arrive parfois, que dans certains cas, cette même culture traces des lignes rouges à ne pas franchir et rend ses adeptes vulnérables, passifs et incapables de maitriser les phénomènes internes qui se produisent (maladies) ou externe (l’environnement), nous recevons souvent ce type de plaintes « je suisPossédé par un Jinn ; j’ai eu un mauvais œil ; je suis victime d’un acte de sorcellerie…  » ;et dans ces cas, une question se pose, face à ces patients, comment adapter l’EDMR à ces croyances religieuses. Les patients, dès lors l’installation de ces croyances qu’on qualifierait de limitantes, deviennent impuissants et incapables de gérer leurs état interne et externe, puis régressent et cumulent les expériences d’échecs, cette catégorie de patients pense directement à demander l’aide d’un Raki pour expérimenter les mystères des séances de Roki, mais cela ne suffit pas chez la quasi-totalité des patients que nous recevons ; Ces séances les soulagent certes, mais les symptômes gênants demeurent toujours intenses.

Conclusion 

La maladie comme construction socioculturelle ne peut avoir un sens sans la prise en considération de la culture qui influe non seulement sur son apparition et son évolution, mais, elle est considérée également comme un élément crucial qui détermine le succès ou l’échec du processus thérapeutique.

L’auteur propose dans cet article une ébauche de réflexion sur l’adaptabilité de la thérapie EMDR et sa compatibilité avec une culture autre qu’occidentale, afin de contribuer à l’élaboration d’un instrument de travail ou du moins à établir les règles de base à prendre en compte dans l’intervention thérapeutique face à la diversité culturelle comme vecteur d’une identité, d’un état et d’une façon d’être.

Pour conclure, l’efficacité d’une thérapie dépend essentiellement de son adaptation au trouble du patient et de la perspicacité du thérapeute, de son ouverture et de sa capacité à contenir les angoisses les plus archaïques du patient.

Ceci rejoint, la notion de la compétence interculturelle qui s’appuie sur les qualités humaines manifestées explicitement par une ouverture d’esprit, un réel intérêt et une considération pour l’autre, selon (Spierings, 1999) la compétence interculturelle est : « Une manière structurée de construire une relation thérapeutique avec des patients de culture différente, d’installer la confiance et de compenser les différences dans la façon de gérer l’information et d’exprimer ses émotions. » (Tarquinio& Al, 2019 p.423 ) Le but final, est de proposer une analyse à visée de recherche, d’une boite à outils des tissages spirituels permettant d’aborder les problèmes cliniques afin d’avoir une vision plus claire sur la dimension spirituelle de nos patients, leur permettant une meilleure harmonisation (corps/esprit) et une libération des parties émotionnelles hors contrôle jusque-là afin de favoriser leur intégration.

Lire l’article complet en ligne : Place de la thérapie EMDR face à la dimension spirituelle 

En savoir plus 

Références de l’article Place de la thérapie EMDR face à la dimension spirituelle :

  • auteurs : Admane, D. Z.
  • titre en anglais : Place of EMDR therapy in relation to the spiritual dimension
  • publié dans : Bulletins des Recherches Scientifiques, vol. 10, no 1.

Aller plus loin 

Formation(s) : Clinique de l’exil et EMDR

Dossier(s) : EMDR avec les réfugiés

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