Apprendre par le jeu et le protocole d'épisode traumatique en groupe EMDR

Apprendre par le jeu et le protocole d’épisode traumatique en groupe EMDR

Mis à jour le 26 mai 2023

Qu’est-ce qui fonctionne ? Leçons tirées d’une étude qualitative préliminaire en vue d’une intervention à composantes multiples pour les réfugiés et les demandeurs d’asile : Apprendre par le jeu et le protocole d’épisode traumatique en groupe EMDR, un article de Kaptan, S. K., Yilmaz, B., Varese, F., Andriopoulou, P. et Husain, N., publié dans le Journal of Community Psychology.

Article publié en anglais – disponible en ligne sur le site de l’éditeur – accès payant

Article publié en anglais – accès libre en ligne

Résumé

Près de la moitié des essais n’ont pas réussi à recruter la taille d’échantillon ciblée, dont 89 % pourraient être évités. La mise en œuvre réussie d’essais sur la santé mentale dans un contexte de personnes déplacées de force peut s’avérer encore plus difficile. Les difficultés de santé mentale peuvent avoir un impact sur les compétences parentales, qui sont liées à un mauvais développement des enfants, tandis que les interventions parentales peuvent améliorer la santé mentale et les comportements des parents. Les interventions parentales peuvent améliorer la santé mentale et le comportement des parents. Cependant, les données sur les interventions parentales pour les réfugiés sont limitées.

Une intervention parentale, Learning Through Play Plus Eye Movement Desensitization and Reprocessing Group Treatment Protocol (Apprendre par le jeu et le protocole d’épisode traumatique en groupe EMDR) a été conçue pour traiter la santé mentale des parents.

Cette étude qualitative préliminaire, menée auprès de réfugiés, de demandeurs d’asile et de professionnels, visait à explorer leurs perceptions de l’intervention, à identifier les obstacles et à formuler des recommandations pour améliorer l’engagement, le recrutement et la mise en œuvre de l’intervention.

L’analyse thématique a permis de dégager trois thèmes : le contenu de l’intervention, les suggestions d’amélioration et de mise en œuvre, et la compréhension du rôle de l’animateur.

Ces thèmes ont permis de mieux comprendre les questions susceptibles de prédire les obstacles à la mise en œuvre de l’intervention et de proposer plusieurs changements, y compris des stratégies de déstigmatisation pour améliorer l’engagement.

Introduction 

Selon une étude récente, près de la moitié des essais menés au Royaume-Uni (44 %) n’ont pas réussi à recruter l’échantillon visé pour plusieurs raisons liées à la conception, au contenu et à la réalisation de l’essai (Walters et al., 2017), dont 89 % pourraient être évités (Briel et al., 2016). La mise en œuvre réussie d’essais sur la santé mentale dans un contexte de personnes déplacées de force peut être encore plus difficile en raison des difficultés de recrutement (Gabriel et al., 2017 ; Sulaiman-Hill & Thompson, 2011), des problèmes pour obtenir leur confiance (Yelland et al., 2014), des défis en matière de communication (Burchill & Pevalin, 2012 ; N. K. Jensen et al, 2013), d’une compréhension différente de la santé mentale (Feldmann, Bensing et de Ruijter, 2007 ; Riggs et al., 2012), des contraintes de temps (Bennett et Scammell, 2014), d’une forte prévalence d’abandon (Semmlinger et Ehring, 2021) et des réinstallations et tâches domestiques fréquentes (Robertshaw et al., 2017). Plusieurs études ont recommandé de mener, avant, des études qualitatives approfondies avec les groupes cibles afin d’identifier les défis potentiels et d’améliorer les chances d’un engagement réussi en explorant les points de vue des groupes cibles sur les interventions proposées lors de la phase de conception (Damschroder et al., 2009 ; Duggleby et al., 2020 ; Lewin et al., 2009 ; O’Cathain et al., 2013, 2014 ; Turner et al., 2019). Bien que de nombreux chercheurs aient également souligné l’importance de se concentrer sur les besoins des membres de la famille dans le contexte du déplacement afin d’informer et de développer des interventions fondées sur des données probantes pour les réfugiés et les demandeurs d’asile (RAS), cette forme d’études préalables est rarement réalisée (Eruyar et al., 2020 ; O’Cathain et al., 2013 ; S. M. Weine, 2011).

Au cours de la dernière décennie, l’ampleur de la crise des réfugiés s’est accrue au point que le plus grand nombre de personnes dans l’histoire a été déplacé de force dans le monde entier et que peu d’entre elles ont pu retourner dans leur pays d’origine. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, il y a actuellement environ 26 millions de réfugiés dans le monde, dont la moitié sont des enfants de moins de 18 ans (Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés & UNHCR, 2020). Avec cette augmentation spectaculaire du nombre de personnes déplacées dans le monde, la santé mentale de ces groupes est devenue une préoccupation mondiale. Il est désormais bien établi que les RAS courent un grand risque de développer des problèmes de santé mentale en raison des déplacements forcés, des événements traumatisants survenus pendant la guerre et la fuite, et des difficultés d’adaptation lors de la réinstallation (Alpak et al., 2015 ; Steel et al., 2006). Des revues systématiques ont fait état d’une prévalence accrue de troubles de stress post-traumatique, de dépression, d’anxiété, de troubles du sommeil et de troubles graves, y compris la psychose, chez les RAS par rapport à la population autochtone (Blackmore et al., 2020 ; Bogic et al., 2015 ; Fazel et al., 2005, 2012 ; Morina et al., 2018).

Les RAS peuvent également rencontrer des difficultés à soutenir le développement émotionnel et physique de leurs enfants (Frounfelker et al., 2019 ; Sangalang et al., 2017). Les parents peuvent développer des comportements de soins compromis car les difficultés de santé mentale, les expériences traumatiques antérieures ou les facteurs de stress quotidiens dans le pays d’accueil peuvent devenir un catalyseur pour des problèmes préexistants (Akesson & Sousa, 2020 ; Miller et al., 2020). L’accumulation des recherches a indiqué que les parents réfugiés et demandeurs d’asile souffrant de troubles de stress post-traumatique sont plus susceptibles de faire preuve d’une parentalité sévère (Bryant et al., 2018), de comportements de contrôle excessifs (Sim et al., 2018), d’un retrait maternel (East et al, 2018), des symptômes de détachement et le rejet des interactions parentales (Eruyar et al., 2020), des comportements d’inversion des rôles (Field et al., 2013), un manque d’implication dans le développement des enfants et des attitudes insensibles, non structurées, hostiles et non réactives à l’égard de leurs enfants (van Ee et al., 2012).

Le lien entre la maltraitance et la tendance des enfants à développer des problèmes de santé mentale est prévalent dans les RAS (Scharpf et al., 2020). Le stress traumatique chez les parents est lié à une augmentation de la dépression, de l’anxiété, de l’attachement insécurisant et des problèmes de comportement chez les enfants réfugiés (Back Nielsen et al., 2019 ; Bryant et al., 2018 ; T. K. Jensen et al., 2015 ; Scharpf et al., 2019, 2020 ; Tay et al., 2020). D’autre part, l’engagement parental et la cohésion familiale sont des facteurs qui protègent la santé mentale des enfants (S. Weine et al., 2014), car les mineurs vivant dans des environnements familiaux favorables ont fait preuve d’une meilleure résilience (Daud et al., 2008 ; Pieloch et al., 2016). Par conséquent, de nombreuses recherches soulignent la nécessité d’interventions ciblant la détresse traumatique des parents afin d’améliorer la santé mentale des enfants de réfugiés et de demandeurs d’asile (Akesson & Sousa, 2020 ; Eruyar et al., 2018, 2020).

L’intervention parentale de groupe intégrée, Learning Through Play (LTP) Plus Eye Movement Desensitization and Reprocessing Group Treatment Protocol (EMDR G-TEP), a été conçue pour traiter la santé mentale des parents et améliorer le développement sain des enfants (Kaptan, Varese, et al., 2021). Le protocole LTP + EMDR G-TEP comporte deux volets : La composante 1 consiste en un LTP, qui est une intervention parentale de groupe en dix séances. Le LTP vise à promouvoir le développement sain de l’enfant en améliorant la santé mentale des parents et en renforçant l’attachement entre les parents et leurs enfants (The Hincks-Dellcrest Centre, 2002), et il s’agit d’une intervention fondée sur les théories de l’attachement et du développement cognitif. Le manuel couvre les aspects importants du développement de l’enfant en se concentrant sur des domaines généraux, notamment le développement physique, le développement cognitif, le développement psychologique, les relations interpersonnelles et la communication. La caractéristique principale du LTP est le calendrier illustré qui souligne l’importance du jeu entre parents et enfants. Le calendrier couvre le développement de l’enfant de la naissance à 3 ans et aide les parents à comprendre le fonctionnement de l’attachement. Le calendrier contient également des illustrations culturellement adaptées d’activités appropriées à l’âge que les parents peuvent pratiquer avec leurs enfants à la maison pour renforcer le lien d’attachement parent-enfant. Le programme peut être facilement dispensé aux groupes défavorisés, car il n’exige pas des participants qu’ils possèdent une éducation formelle. Le programme LTP a été développé au Canada et a été évalué dans le cadre de plusieurs essais. Dans le cadre d’un essai contrôlé randomisé (ECR) mené auprès de mères dépressives au Pakistan, Husain et al. (2017) ont observé des réductions significatives de la dépression et du stress parental, qui se sont maintenues lors de l’évaluation de suivi après six mois. Ces résultats ont été confirmés par d’autres ECR menés auprès de mères d’enfants sous-alimentés (Khan et al., 2019) et de pères dépressifs (Husain et al., 2021).

La deuxième composante de l’intervention intégrée est l’EMDR G-TEP(E. Shapiro, 2013). L’EMDR G-TEP est une intervention de psychothérapie de groupe destinée aux adolescents et aux adultes qui éprouvent diverses formes de détresse psychologique à la suite d’expériences de vie potentiellement traumatisantes. Le protocole de groupe reprend les principes fondamentaux de la thérapie EMDR individuelle standard (F. Shapiro, 2007) en mettant l’accent sur la stabilisation et les ressources positives pour l’avenir. Le protocole G-TEP a été testé dans plusieurs études avec des résultats prometteurs pour le traitement du TSPT, de la dépression et de l’anxiété (Kaptan, Dursun, et al., 2021 ; Lehnung et al., 2016 ; Roberts, 2018 ; Tsouvelas et al., 2019 ; Yurtsever et al., 2018).

Ce document présente les résultats qualitatifs de l’enquête préliminaire, issus d’entretiens avec des réfugiés, des demandeurs d’asile et des professionnels travaillant avec ces groupes. Cette étude vise à : (a) identifier des recommandations pour un engagement et un recrutement réussis ; (b) avoir un aperçu des problèmes qui pourraient constituer des obstacles à la mise en œuvre, ainsi que des solutions potentielles ; (c) explorer leurs perceptions de l’intervention LTP + EMDR G-TEP ; (d) évaluer les besoins et les intérêts du groupe de l’échantillon.

À notre connaissance, il s’agit de la première étude qualitative préliminaire portant sur une intervention parentale et EMDR G-TEP, et présentant des résultats qualitatifs sur la conception de l’intervention.

En savoir plus 

Références de l’article Qu’est-ce qui fonctionne ? Leçons tirées d’une étude qualitative préliminaire en vue d’une intervention à composantes multiples pour les réfugiés et les demandeurs d’asile : Apprendre par le jeu et le protocole d’épisode traumatique en groupe EMDR :

  • auteurs : Kaptan, S. K., Yilmaz, B., Varese, F., Andriopoulou, P. et Husain, N.
  • titre en anglais : What works? Lessons from a pretrial qualitative study to inform a  multi-component intervention for refugees and asylum seekers: Learning  Through Play and EMDR Group Traumatic Episode Protocol
  • publié dans : J Community Psychol, 51(1), 361-381.
  • doi :https://doi.org/10.1002/jcop.22908

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