
Comment les patients font-ils l’expérience de l’EMDR intensif pour le TSPT ?
Mis à jour le 27 septembre 2025
Butler et Ramsey-Wade présentent dans l’European Journal of Trauma & Dissociation la première exploration qualitative par analyse phénoménologique interprétative (IPA) de l’expérience subjective de patients ayant suivi une thérapie EMDR intensive pour le TSPT, comblant ainsi le manque de données sur la perspective des patients dans cette littérature. L’étude analyse les entretiens de 10 participants et révèle deux thèmes expérientiels personnels principaux : « l’importance de la sécurité psychologique » (avec les sous-thèmes « un espace protégé » et « l’importance d’un lien continu ») et « l’évolution du moi » (avec les sous-thèmes « un moment inoubliable » et « vivre comme je l’ai toujours voulu »). Les résultats démontrent que l’EMDR intensif peut être vécu comme sécurisant, facilitant l’action et l’engagement tout en provoquant des changements personnels significatifs, suggérant que ce format crée un espace thérapeutique protégé favorisant la transformation personnelle.
Article publié en anglais – accès libre en ligne
Résumé
Plusieurs études sur le traitement intensif de la désensibilisation et du retraitement par les mouvements oculaires (EMDR) ont montré qu’il s’agissait d’un traitement efficace du trouble de stress post-traumatique (TSPT), offrant une meilleure expérience au patient, une réduction plus rapide des symptômes, une réduction plus importante des symptômes et une réduction des taux d’abandon par rapport à l’EMDR non intensif.
Cependant, peu d’études décrivent cette approche non traditionnelle de la psychothérapie EMDR du point de vue des patients.
Procédure
Cette étude qualitative explore les expériences des patients qui ont suivi une thérapie EMDR intensive pour un stress post-traumatique. Des entretiens ont été menés avec 10 participants et analysés à l’aide de l’analyse phénoménologique interprétative (IPA).
Principaux résultats
Les données ont révélé deux thèmes expérientiels personnels (TEP) et quatre déclarations expérientielles. L’importance de la sécurité psychologique a généré les sous-thèmes suivants : « Un espace protégé » et « L’importance d’un lien continu ». L’évolution du moi a généré deux sous-thèmes : « Un moment inoubliable “ et ” Vivre comme je l’ai toujours voulu ».
Conclusion
Les résultats montrent que l’EMDR intensif peut être vécu comme sûr, facilitant l’action et l’engagement tout en provoquant des changements significatifs.
Points clefs
- Les thérapies de traumatisme peuvent être dispensées efficacement dans des formats intensifs.
- Mais la voix du patient est absente de cette littérature.
- Dix participants ayant suivi une thérapie EMDR intensive ont été interrogés.
- L’EMDR intensif peut induire un état de sécurité psychologique, entre autres avantages.
Introduction
La désensibilisation et le retraitement par les mouvements oculaires (EMDR) et la thérapie cognitivo-comportementale axée sur les traumatismes (TF-CBT) reposent sur de bonnes bases factuelles et sont recommandés par l’Institut national de la santé et de l’excellence des soins (NICE, 2018). Toutefois, les taux d’abandon varient entre 0 % et 65 % (Lewis et al., 2020). L’EMDR comprend un protocole de traitement en huit phases qui inclut (1) l’anamnèse, (2) la préparation, (3) l’évaluation, (4) la désensibilisation, (5) l’installation, (6) le scanner corporel, (7) la clôture et (8) la réévaluation (Shapiro, 2001). Les phases trois à six impliquent l’utilisation de la stimulation bilatérale (SBA) sous la forme de mouvements oculaires saccadés, de tapotements alternatifs des mains ou de rythmes audio alternatifs pour faciliter l’accès aux souvenirs traumatiques et leur traitement. L’EMDR repose sur le modèle du traitement adaptatif de l’information (TAI), qui postule qu’un système physiologique inhérent permet de traiter l’information jusqu’à une résolution adaptative où les connexions avec les associations appropriées s’intègrent dans un schéma émotionnel et cognitif positif (Shapiro, 2001). L’EMDR est considérée comme une psychothérapie intégrative (Laliotis et al., 2021) et est une approche « ascendante » (Taylor et al., 2010) qui accède au système limbique, responsable de la régulation de l’affect et de l’autonomie. Cependant, les preuves qui soutiennent toutes les thérapies psychologiques recommandées pour le TSPT manquent de validité écologique, étant trop dépendantes des essais contrôlés randomisés, et la voix du patient est souvent absente de la littérature.
Thérapie intensive
Certaines données suggèrent que la thérapie intensive des traumatismes peut être une alternative viable et parfois préférable pour les patients par rapport au traitement standard du TSPT (Sciarrino, 2020).
Toutefois, les orientations en matière de bonnes pratiques concernant l’intensité ou la fréquence des séances de traitement sont mal définies, ce qui a une incidence sur la qualité et la cohérence de la recherche sur le traitement intensif du stress post-traumatique, rendant difficile la comparaison des résultats entre les études et permettant de tirer des conclusions définitives sur les approches les plus efficaces en matière de prestation de traitement. En outre, dans les études, divers termes sont utilisés pour décrire les séances dispensées à une fréquence plus élevée, comme les séances « condensées » ou « comprimées ». Cependant, le terme le plus couramment utilisé est « intensif ».
Les interventions intensives en traumatologie varient en fonction du nombre de séances de traitement par jour et du nombre de jours consécutifs. Par exemple, Harvey et al. (2019) utilisent 60 minutes par jour pendant deux semaines, Hendriks et al. (2010) utilisent trois séances de 90 minutes pendant quatre jours consécutifs, suivies de séances de rappel de 90 minutes toutes les quatre semaines, et Paridaen et al. (2023) utilisent deux séances de 90 minutes pendant quatre jours consécutifs pendant deux semaines. En ce qui concerne le type d’intervention clinique, les études utilisent des protocoles et des manuels de traitement établis, et il n’y a aucune indication d’un écart significatif par rapport à ceux-ci. Dans ces études, il est également courant de compléter les séances de traitement par un programme d’activités de groupe de soutien telles que l’aérobic et l’entraînement à la résistance (Voorendonk et al., 2023), le yoga, la thérapie assistée par les chevaux et l’écriture narrative (Steele et al., 2018), dispensées en milieu hospitalier (Vaage-Kowalzik et al., 2024) ou ambulatoire (Brynhildsvoll Auren et al., 2021; Matthijssen et al., 2024). Cela ajoute aux difficultés liées à l’évaluation des thérapies intensives par rapport aux approches plus standard.
En général, cependant, l’efficacité des thérapies intensives est égale à celle des séances hebdomadaires (Ehlers et al., 2010; Hoppen et al., 2023; Hurley, 2018). Elle peut donc permettre un rétablissement plus rapide, une plus grande réduction des symptômes (Gutner et al., 2016), et potentiellement moins de perturbations pour les cliniciens et les patients. On suppose qu’une thérapie plus intensive permet d’atteindre ces objectifs en renforçant la dynamique, en offrant une sécurité supplémentaire et en réduisant les rappels du traumatisme qui sont une caractéristique constante du stress post-traumatique (Foa et al., 2018; Sciarrino et al., 2020; Wachen et al., 2019).
Thérapie EMDR intensive
Par exemple, une étude menée par Hurley (2018) a révélé que les séances hebdomadaires d’EMDR dispensées au personnel en service actif, lorsqu’elles étaient comparées à des séances biquotidiennes pendant 10 jours, étaient tout aussi efficaces pour réduire les symptômes du TSPT après le traitement et après un suivi d’un an. Selon eux, l’approche intensive présente également les avantages suivants : toute réactivité peut être traitée immédiatement, les taux d’abandon sont réduits, l’engagement est accru et les interruptions telles que les vacances et la maladie sont évitées. Il existe quelques autres essais contrôlés randomisés portant sur l’EMDR intensif, mais ils examinent principalement l’utilité des protocoles de groupe tels que le protocole d’épisode traumatique de groupe (GTEP) (Yurtsever et al., 2018).
Josefa Molero et al. (2019) ont administré à de jeunes réfugiés le protocole de traitement de groupe intégré pour le stress traumatique continu (EMDR-IGTP-OTS), conçu pour être administré à des groupes de survivants de traumatismes. Le traitement a été dispensé au cours de séances d’une durée maximale de deux heures, trois fois par jour, pendant trois jours. Sur un total de 184 réfugiés mineurs, 93 ont été randomisés dans le groupe de traitement et 91 dans le groupe de contrôle. L’étude a montré que le traitement EMDR était efficace pour réduire les symptômes du TSPT, qu’il était réalisable, qu’il prenait peu de temps, qu’il était bien toléré et qu’il tenait compte des différences culturelles. Cependant, comme les participants ont vécu des événements traumatisants divers, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour examiner l’efficacité spécifique de l’EMDR-IGTP-OTS intensif pour les personnes qui ont vécu des expériences traumatisantes particulières.
Dans une étude récente, Farrell et al. (2023) ont administré une vidéothérapie de groupe d’intervention précoce EMDR (VGTEP) à des travailleurs de première ligne du COVID 19 qui souffraient de détresse psychologique liée à leurs expériences professionnelles. Le traitement comprenait quatre sessions de deux heures en une semaine et un total de 95 participants, dont 50 ont reçu le traitement et 45 ont fait partie du groupe de contrôle. Les résultats montrent un effet significatif sur les symptômes de traumatisme dans le groupe de traitement ; cependant, il n’y a pas eu d’effet sur les symptômes de préjudice moral. De même, Pérez et al. (2020) ont appliqué avec succès le protocole de traitement de groupe intégratif EMDR pour le stress traumatique permanent à distance (EMDR-IGTP-OTS-R) à quatre-vingts travailleurs de la santé exposés à la mort de plusieurs patients pendant la pandémie de COVID-19. Quarante participants ont été randomisés pour recevoir quatre séances de traitement en ligne, à raison d’une séance par jour, un jour sur deux, et quarante participants ont été placés dans le groupe témoin sur liste d’attente. L’étude a montré un effet positif significatif sur les mesures du TSPT, de l’anxiété et de la dépression. Ces quelques ECR sur l’EMDR intensif en groupe sont prometteurs et indiquent que des recherches supplémentaires sont nécessaires.
Plusieurs autres études de résultats sur l’EMDR intensif provenant d’un centre hospitalier des Pays-Bas ont rapporté l’impact positif d’un programme résidentiel intensif de deux semaines sur le TSPT et les symptômes associés tels que la dépression (Paridaen et al., 2023), le fonctionnement sexuel (van Woudenerg et al., 2023), le trouble de la personnalité limite (Kolthof et al., 2022) et la dissociation (Zoet et al., 2021). Il est toutefois difficile de tirer des conclusions définitives sur l’efficacité de l’EMDR intensif à partir de cette recherche, en raison des activités supplémentaires incluses dans le programme, telles que des activités physiques et de groupe, et de l’absence de randomisation ou de groupe de contrôle.
En résumé, il n’existe pas de définition largement répandue ou acceptée de l’EMDR intensif et de sa mise en œuvre, ce qui se reflète dans la disparité entre les études.
Les auteurs précédents l’ont appelé indifféremment « EMDR de masse », « EMDR condensé » et « EMDR intensif » (Ragsdale et al., 2020). En outre, les recherches menées dans ce domaine n’expliquent souvent pas pourquoi une version condensée du protocole original (Shapiro, 2001) est utilisée, alors qu’une version abrégée l’est dans le cadre de l’EMDR intensif. Les procédures sont également très variables et expérimentales, certains préconisant de longues évaluations, des périodes de stabilisation, plusieurs séances de suivi, des traitements de groupe ou des thérapies intensives en complément de séances hebdomadaires régulières. Cette variabilité indique qu’il est nécessaire d’explorer l’expérience de l’EMDR intensif du point de vue des patients, en termes de préférence du patient.
Recherche qualitative
Marich (2010, 2012) apporte un éclairage rare sur les expériences des patients en matière de sécurité dans le cadre d’une thérapie EMDR standard. Dix entretiens ont été menés avec des femmes en voie de guérison d’une addiction. Les craintes des participantes d’être rabaissées et contrôlées ont été identifiées, et les auteurs ont attribué plusieurs facteurs qui ont contribué à un sentiment de sécurité. Ces facteurs comprennent les caractéristiques de l’environnement, le milieu des femmes dans des circonstances similaires et les attitudes du personnel à leur égard. L’analyse a également montré que l’éducation, la préparation, l’orientation et les procédures de clôture des séances contribuaient à créer un sentiment de sécurité. Marich et al. (2020) ont également constaté que les patients considéraient que la relation contribuait à la réussite de l’EMDR et qu’ils trouvaient sécurité et encouragement dans l’alliance thérapeutique.
Dans une rare étude qualitative sur l’EMDR intensif, Haugland Thoresen et al. (2022) ont interrogé huit participants à un programme de thérapie intensive pour le TSPT. Le programme combinait l’EMDR, l’exposition prolongée (EP), l’activité physique et la psychoéducation, sur huit jours, et utilisait la rotation des thérapeutes (c’est-à-dire définir la rotation des thérapeutes ici). Les auteurs ont identifié cinq thèmes principaux à l’aide de l’analyse thématique : (1) Terrible mais ça en vaut la peine, (2) Pression continue grâce à la rotation des thérapeutes, (3) Activité physique comme pause nécessaire au marathon mental, (4) Sentiment d’unité dans un programme de traitement intensif, et (5) Le tout est plus grand que la somme de ses parties. Haugland Thoresen et al. (2022) ont montré que les participants considéraient que la thérapie intensive était plus facile à « suivre » et « plus facile à reprendre » par rapport à leurs expériences antérieures de thérapie hebdomadaire. Ils ont également déclaré que ce format réduisait l’évitement car il était plus difficile d’annuler les séances. Les participants ont estimé que la rotation des thérapeutes permettait d’avoir des perspectives différentes et de nouvelles expériences relationnelles, ce qui, selon eux, a contribué au changement. Ils ont également déclaré avoir le sentiment d’être pris en charge par les thérapeutes en tant que groupe, plutôt que par chaque thérapeute individuellement.
Conclusion
Cette étude est la première à explorer et à représenter les expériences des participants à l’EMDR intensif à l’aide d’une méthodologie IPA, ce qui permet de réfléchir en profondeur à l’intervention du point de vue des participants. Le format intensif semble créer un espace protégé, qui favorise un sentiment de sécurité et de connexion, et facilite une transformation personnelle significative.
Cette étude présente donc l’EMDR intensif comme une innovation intéressante pour les services et les praticiens qui travaillent ou souhaitent travailler avec des patients souffrant de stress post-traumatique ou de TSPT.
En savoir plus
Références de l’article Comment les patients font-ils l’expérience de l’EMDR intensif pour le TSPT ? :
- auteurs : Butler, S.-J. et Ramsey-Wade, C.
- titre en anglais : How do clients experience intensive EMDR for post-traumatic stress? An interpretative phenomenological analysis
- publié dans : European Journal of Trauma & Dissociation, 8(4), 100479
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Formation(s) : La thérapie intensive individuelle immersive EMDR : quelle pertinence face au TSPT-C ?