EMDR dans la prise en charge des auteurs d'agressions sexuelles

EMDR dans la prise en charge des auteurs d’agressions sexuelles

Mis à jour le 17 juin 2016

Roland Coutanceau, Joanna Smith, Samuel Lemitre passent en revue les différents axes de travail possibles en EMDR dans la prise en charge des auteurs d’agressions sexuelles, dans livre Trauma et résilience : Victimes et auteurs.

Les auteurs développent les intérêts et les applications multiples de l’EMDR dans la prise en charge des auteurs d’agressions sexuelles, notamment du fait de sa  rapidité d’effet dans de nombreux cas.

Nous vous proposons plusieurs extraits :

Traitement de traumatismes

La première utilisation possible de la thérapie EMDR est bien sûr le traitement de traumatismes directement liés aux passages à l’acte (antécédents de violences sexuelles subies, de maltraitances…), et éventuellement le traitement de traumatismes ne semblant pas explicitement liés aux passages à l’acte commis (accident de voiture, par exemple), mais permettant au patient d’accroître son bien-être et sa qualité de vie au quotidien.

Désensibiliser les cibles sous-jacentes aux situations à risques

Une autre piste de travail consiste à désensibiliser, par la thérapie EMDR, les cibles sous-jacentes aux situations à risques. Néanmoins, le manque de capacités d’introspection fréquent chez ces patients nous met parfois en difficulté pour identifier les cibles en question. Dans ce contexte, l’application de la technique du pont d’affect parait très utile. Le pont d’affect est une technique issue de l’hypnose, fréquemment employée en thérapie EMDR. En partant d’une situation difficile du présent, cette technique incite le patient se centrer sur la cognition négative sous-jacente (par exemple  » je suis nul « ) et sur l’émotion et la sensation corporelle associées (désespoir et sensation d’abattement dans tout le corps, par exemple). Nous enjoignons ensuite le patient, yeux fermés, à remonter dans le temps, en laissant son esprit flotter au fil des ans jusqu’à son enfance, et à observer quelles situations similaires se présentent à son esprit, où ces différents éléments spécifiques (cognition négative, émotion et sensation corporelle) sont associés. Ces situations peuvent alors faire d’excellentes cibles de retraitement en thérapie EMDR, permettant de traiter les événements du passé sous-jacents aux problèmes du présent. (…)

Le renforcement des ressources

Une partie préparatoire de la thérapie EMDR, intitulée renforcement des ressources, semble pouvoir aider ces patients à développer des ressources pour faire face aux situations émotionnellement déstabilisantes et accroître leur fenêtre de tolérance émotionnelle. Différentes stratégies de renforcement de ressources sont disponibles au thérapeute EMDR : (…) le lieu sûr (…), la cohérence cardiaque (…), le protocole de ressources dyadique développé par Philip Mansfield (2010) …

Le traitement des addictions

Les auteurs de violences pourraient aussi bénéficier du protocole de thérapie EMDR destiné au traitement des addictions, addictions dont la présence est assez fréquente chez ces patients. En outre, chez les auteurs d’agressions sexuelles plus spécifiquement, une dimension d’addiction sexuelle est parfois présente (de même que chez les personnes condamnées pour téléchargement de matériel pédopomographique) une adaptation du protocole DeTUR de Popky (2005), destiné au traitement des addictions, pourrait être envisagée dans certains cas. Ce protocole, issu de différentes techniques thérapeutiques dont la thérapie EMDR, se base sur dix principes il s’adresse à tous types d’addictions sans distinctions ; l’objectif est d’aider le patient à se fixer comme objectif un comportement positif plutôt que l’arrêt d’un comportement négatif ; l’abstinence n’est pas nécessaire mais elle est souhaitable ; le thérapeute cherche à renforcer le moi du patient et à l’aider à développer ses compétences de résolution de problèmes ; les rechutes sont perçues comme de nouvelles pistes à travailler ; la thérapie inclut une thérapie individuelle personnalisée au sein de laquelle le patient pourra aborder ses problèmes fondamentaux ; les interventions thérapeutiques sont ajustées en fonction des techniques auxquelles le thérapeute est formé la diminution des comportements addictifs et l’anxiété sont traitées, en général sans que le patient se soit rendu compte d’un manque dans sa vie quotidienne ou sans que ce manque soit incontrôlable ; le fait de cibler les séances de thérapie EMDR sur les facteurs déclenchants du comportement addictif pennes d’employer cette technique tôt dans la prise en charge, alors que cibler les antécédents traumatiques peut déstabiliser de tels patients en début de suivi, et risque de provoquer une rechute précoce. Ainsi, ces différents principes peuvent être adaptés à la prise en charge d’un auteur de violences sexuelles, à cette différence près que l’abstinence

Les auteurs posent deux limites : l’EMDR doit rester un complément des prises en charge de groupe de prévention de la récidive et être pratiqué par un professionnel formé à la clinique des délinquants sexuels.
En savoir plus sur l’EMDR dans la prise en charge des auteurs d’agressions sexuelles
EMDR dans la prise en charge des auteurs d'agressions sexuellesRoland Coutanceau, Joanna Smith,Samuel Lemitre, Trauma et résilience : Victimes et auteurs, Collection: Psychothérapies, Dunod
Ce nouvel ouvrage coordonné par Roland Coutanceau, Joanna Smith et Samuel Lemitre  traite de la question de la résilience sous un triple aspect: théorique, clinique et thérapeutique. Il pose la question de l’évaluation des thérapies de victimes et d’auteurs de violences et se présente comme un plaidoyer pour des stratégies thérapeutiques complémentaires (groupe de paroles, accompagnement systémique, hypnose, EMDR…) Trauma et résilience fait suite à Les violences sexuelles (2010) et Violence et famille (2011), et contribue à développer une complémentarité de thèmes pour incarner la psychocriminologie.
en savoir plus :

M’inscrire Vous avez une question ?