L'accouchement, vraiment le plus beau jour d'une vie ?

L’accouchement, vraiment le plus beau jour d’une vie ?

Mis à jour le 8 juillet 2016

Un article L’accouchement, vraiment le plus beau jour d’une vie ? publié sur le site levif.fr
Alors que votre accouchement vous a apporté le plus beau des cadeaux, vous en gardez au fond de vous un souvenir pénible, voire traumatisant… et vous n’êtes pas la seule ! Il est heureusement possible de reprendre rapidement le dessus.
« Des recherches réalisées notamment à l’Erasmus Universiteit de Rotterdam révèlent que près d’un quart des femmes gardent un souvenir négatif de l’accouchement trois ans après avoir mis au monde leur premier enfant. Après un second ou troisième bébé, cette proportion est encore d’une sur huit « , explique la Néerlandaise Diana Koster, sage-femme, coach spécialisée dans l’accompagnement des femmes enceintes et jeunes mamans.
Un accouchement représente toujours un bouleversement plus ou moins important et il est donc bien naturel d’avoir l’impression, dans les semaines qui suivent, d’être devenu quelqu’un d’autre.  » La jeune maman ne pourra complètement assimiler les événements que lorsque son corps et son esprit auront retrouvé une certaine paix, ce qui n’est pas toujours évident avec un bébé nouveau-né, rappelle Diana Koster. Il est donc possible qu’elle se sente pendant un certain temps plus anxieuse, moins sociable, moins enthousiaste, plus irritable ou au contraire ‘vidée’ de toutes ses émotions. Certaines s’efforcent alors de tout contrôler, parfois d’une façon compulsive, tandis que d’autres s’inquiètent inutilement ou sont hantées par des cauchemars.  »
Heureusement, ces pensées, émotions et images négatives s’estompent généralement en 4 à 6 semaines. Mais parfois, ce niveau de stress se maintient de façon prolongée ; la jeune maman, incapable de  » digérer  » son accouchement, risque alors de sombrer dans un état de stress post-traumatique.  » Ce diagnostic est posé chez 1 à 3 % de femmes, précise Diana Koster. Elles souffrent souvent de violents flash-backs, d’importants problèmes de concentration et d’une irritabilité fortement accrue.  »
Il est donc souhaitable d’identifier rapidement les plaintes et symptômes susceptibles d’être liés à un accouchement mal vécu et de se faire aider si nécessaire.  » Ce problème ne se manifeste parfois que plusieurs mois après la naissance. Dans ce cas, le lien avec l’accouchement sera évidemment beaucoup moins facile à établir.  »

Détourner la foudre

 » Tout se passe comme si la jeune maman avait été frappée par la foudre au cours de l’accouchement et ne parvenait plus à évacuer l’électricité « , explique Diana Koster. Que faire concrètement si vous vous reconnaissez dans cette métaphore ?  » En parler peut déjà faire beaucoup de bien « , souligne d’emblée la sage-femme. Hélas, c’est souvent là que le bât blesse : comme les autres ne semblent pas avoir ces problèmes, la jeune maman craint d’être accusée de passer son temps à se plaindre, voire de jouer la comédie.
S’ajoute à cela que l’entourage cherche souvent à apaiser son malaise en lui rappelant le merveilleux cadeau qu’elle a reçu en échange, comme s’il était impensable qu’une expérience ayant débouché sur un si beau résultat puisse elle-même être vécue comme  » horrible  » ou, à plus forte raison,  » traumatisante « .  » Comme toute expérience qui nous force à dépasser nos limites physiques et psychologiques à un moment de grande vulnérabilité émotionnelle, un accouchement peut en effet causer un réel traumatisme, souligne Diana Koster. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire que votre vie ou votre corps aient été mis en danger. Il est tout à fait possible que, d’après le rapport médical, le travail se soit passé sans problèmes ni complications : ce qui compte, ce ne sont pas les faits objectifs mais le ressenti de la jeune maman, qui est évidemment éminemment personnel puisqu’il dépend de son tempérament et de son vécu, aussi bien sur le plan individuel que dans les relations avec les autres.  »

Les pièces du puzzle

Imaginons par exemple que vous ne vous soyez pas sentie en sécurité pendant l’accouchement, que vous ayez été confrontée à un sentiment de honte, de culpabilité ou d’échec…  » Essayez dès lors d’aborder ce qui vous tracasse dans un entretien ultérieur avec les soignants. Peut-être eux-mêmes ou leurs collègues seront-ils en mesure de recadrer votre expérience ou de vous apporter les pièces manquantes du puzzle. Ils pourront par exemple vous aider à comprendre pourquoi ils ont fait ou omis de faire certaines choses pendant votre accouchement, ou reconnaîtront les émotions qui vous submergent et vous proposeront des conseils et des exercices pour mieux les gérer.  »
Sinon, une consultation de suivi pourra également aider la maman à faire la part des choses lorsqu’elle n’est pas certaine que ses problèmes sont liés à l’accouchement.  » Grâce à leur expérience, les soignants seront souvent en mesure de mettre le doigt sur le problème et, ce faisant, de contribuer à le soulager.  » L’une des mamans suivies par Diana Koster a par exemple vu réapparaître des cauchemars un an après son accouchement, qu’elle espérait chasser à grand renfort de somnifères. Son médecin traitant a refusé de lui prescrire ces traitements avant qu’elle ne consulte également un thérapeute… ce qui lui a permis de retrouver un sommeil paisible en l’espace de six semaines, et ce sans médicaments.

EMDR

Chez les patientes qui développent un état de stress post-traumatique après l’accouchement, vider son sac n’est généralement pas suffisant. Une possibilité est alors d’avoir recours à l’EMDR ou Eye Movement Desensitization and Reprocessing (Désensibilisation et Retraitement par les Mouvements Oculaires).  » Nous disposons aujourd’hui de preuves scientifiques suffisantes pour affirmer que cette technique est efficace contre les traumatismes avec un grand T (d’après le manuel des diagnostics psychiatriques DSM-V : ceux qui font suite à un (risque de) danger de mort, des lésions graves et/ou des violences sexuelles). Il est toutefois possible – et mon expérience personnelle le confirme – qu’elle fonctionne également dans les traumatismes moins sérieux, par exemple après un accouchement ne mettant pas en danger la vie ou l’intégrité physique.  »
Nous ne savons pas exactement comment l’EMDR fonctionne, mais les séances se déroulent concrètement comme suit.  » Le thérapeute demande à la patiente de se remémorer le mauvais souvenir tout en effectuant une tâche simple (comme suivre des yeux les doigts que le soignant bouge de droite à gauche), et ce pendant 30 secondes. Il l’invite ensuite à exprimer tout ce qui lui vient à l’esprit jusqu’à ce que la tension soit retombée. Ce même processus est ensuite répété pour chaque train de pensées associé au vécu difficile, jusqu’à ce que celui-ci ait perdu toute sa charge négative. Au final, la patiente est en mesure de repenser à l’accouchement d’une manière beaucoup plus neutre, sans être submergée par ses émotions.  »
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