LIVRE Le GRAND livre des 1000 premiers jours de vie

Mis à jour le 22 octobre 2021

Le livre Le GRAND livre des 1000 premiers jours de vie est paru aux éditions Dunod, en septembre 2021.
Cet ouvrage collaboratif, réalisé sous la direction de Joanna Smith, avec la participation de nombreux spécialistes, aborde notamment les thèmes du développement au cours des 1000 premières jours, de l’impact de l’adversité et du trauma pendant cette période, des interventions possibles, de la prévention, et de la psychothérapie possibles, et notamment de l’EMDR centré sur les empreintes précoces, qui permet le retraitement des empreintes laissées au cours des 1 000 premiers jours et des traces transgénérationnelles (Hélène Dellucci) dans la dernière partie de l’ouvrage, consacrée au développement des perspectives psychothérapeutiques permettant de traiter cette période du développement, période si particulière du fait de l’encodage en mémoire préverbale / exclusivement implicite.

Présentation du livre

Grâce aux progrès des neurosciences et des recherches sur l’attachement, on sait aujourd’hui que la période des 1000 premiers jours – de la conception aux 2 ans de l’enfant – bien que non accessible à la mémoire consciente, est cruciale pour le développement, tant somatique que psychique. Du fait de la poussée de croissance massive du cerveau qui caractérise ces 1000 premiers jours, cette période joue un rôle capital sur l’attachement, la régulation du stress et des émotions, et la prévention des troubles psychiques et somatiques, à l’échelle de la vie.
L’ouvrage récapitule les enjeux du développement normal des 1000 premiers jours, décrit les risques liés aux aléas et à l’adversité survenant durant cette période (insécurité ou désorganisation de l’attachement, naissance traumatique, prématurité, traumatismes, transmission transgénérationnelle…) et expose des stratégies d’intervention possibles (prévention au sein du lien parent-bébé ou, plus tard, psychothérapie des 1000 premiers jours chez l’enfant, l’adolescent ou l’adulte).
Cet ouvrage est rédigé par des experts internationaux. Premier du genre, il fournit les informations encore insuffisamment connues quant à l’impact crucial des 1000 premiers jours sur le développement de l’enfant, pour la santé globale de l’adulte qu’il deviendra, et propose également des perspectives thérapeutiques novatrices.

Préface de Boris Cyrulnik

Il y a quelques décennies, le problème était clair : le psychisme démarrait le jour de la naissance, à l’âge de zéro an et, quand on constatait un trouble, on cherchait à savoir quelle était la part d’inné et celle de l’acquis. Voilà, c’était simple. Sauf que, on ne parvenait pas à savoir ce qu’était un enfant de zéro an et que la distinction inné-acquis était plus idéologique que scientifique.
Les Asiatiques, le jour de la naissance, fêtent le premier anniversaire de la vie de l’enfant qui, pendant ses neuf mois de vie aquatique commence déjà à traiter des informations extérieures. Et puis surtout, les causalités uniques qui sont pertinentes dans une démarche expérimentale de laboratoire conviennent moins au terrain où un clinicien doit intégrer des données différentes et associées. C’est dans cette épistémologie que les cliniciens travaillent ces dernières années.
Le déterminisme génétique existe bien sûr, puisqu’un spermatozoïde d’homme entrant dans un ovule de femme donne un bébé humain et non pas un hippopotame. Mais, dès les premières divisions cellulaires, le milieu utérin qui entoure la petite morula ,tutorise des développements différents. Lorsque la mère est stressée par des causes hétérogènes (son enfance malheureuse, son mari violent ou absent, la précarité sociale, la guerre ou mille autres causes), elle sécrète des substances de stress qui franchissent la barrière placentaire, inondant le liquide amniotique de substances toxiques pour le cerveau de l’enfant qu’elle porte. Et ce stress maternel, toujours d’origine relationnelle, fabrique des radicaux méthyl (CH\) qui se collent contre la bandelette de l’ADN et en modifient l’expression. Ces dosages neurobiologiques disqualifient la distinction inné-acquis et déculpabilisent les mères qui ne sont pas la cause de la violence de leur mari ou de la catastrophe sociale qui leur tombe dessus. Ces troubles sont résiliables, puisqu’il suffit de sécuriser la mère pour que, très rapidement, les radicaux méthyl se diluent, permettant à nouveau l’expression de l’ADN. La résilience neuronale, facile à déclencher (ce qui est contre-intuitif), s’enracine dans l’entourage de la mère, dans son couple, sa famille et sa culture. Ce sont donc les décideurs sociaux et éducatifs qui sont responsables, ce qui constitue un degré de liberté et déculpabilise les mères.
Joanna Smith a déjà travaillé cette question quand elle nous explique que le développement cérébral subit ces pressions extérieures.
Quand le bébé arrive au monde, sa niche sensorielle est constituée par le corps de sa mère. Son mamelon, vers lequel le bébé s’oriente sans aucun apprentissage, la brillance de ses yeux et les basses fréquences de sa voix constituent un premier objet sensoriel familier qui donne forme au monde du petit et lui sert de base de sécurité. Tout trouble dans le milieu perturbe le développement de l’attachement du petit. La célèbre expérience du « visage immobile » démontre comment un visage inexpressif désorganise les comportements du bébé et provoque presque aussitôt son retrait. Ted Tronick, invité par Joanna, est l’un des cliniciens-chercheurs les plus convaincants dans ce domaine.
La pire agression, à ce stade du développement, c’est certainement l’isolement sensoriel, conséquence directe de la carence affective. Quand un bébé est privé d’altérité, son cerveau non stimulé révèle des zones cérébrales apparemment atrophiques. Il suffit de proposer au petit un substitut affectif, pour que ces zones soient stimulées. Mais quand la culture abandonne le petit et le laisse dans son isolement, la neuro-imagerie montre des altérations durables. Il est donc possible de prévenir et de rattraper ces troubles dès qu’on les rend observables.
Le trauma a été difficile à penser. Pendant des siècles, on a pensé que, lorsqu’un soldat était troublé, c’était la preuve du mauvais oeil, un sort jeté par un esprit malveillant. Puis, ces explications linéaires ont induit que, si un homme souffrait, c’était la preuve de sa mauvaise qualité cérébrale. Aujourd’hui, on pense plutôt qu’un événement violent ou un développement dans des conditions adverses entraînent des altérations cérébrales qui font voir un monde sombre et difficile. Ce malaise imprégné dans la mémoire induit des relations orageuses avec ses proches, des interactions maladroites à la crèche et une socialisation compliquée à l’école, comme l’expliquent Susana Tereno et Alexandra Déprez.
Par bonheur, les psychothérapies adaptées à ces difficultés développementales sont nombreuses et efficaces, comme l’EMDR. Il y a des programmes d’intervention précoce au domicile dans les populations à risques, des consultations et de simples conseils suffisent parfois à empêcher l’apparition d’un trouble ou à le réparer.
Ce grand livre des 1 000 premiers jours constitue vraiment un recueil pour praticiens, tels que les métiers de la petite enfance, mais aussi pour les parents, qui sont en première ligne.
Il suffit de comprendre ce qui se passe et de décider ce qu’il faut faire, comme le démontre ce livre.

Introduction de Joanna Smith

Le concept des 1 000 premiers jours, s’il est peu connu en France, a été bien étudié de par le monde et fait partie de nombreux projets de prévention et d’interventions éducatives, sociales ou politiques orientés vers le développement des tout-petits. En France, ce concept a notamment été popularisé auprès du grand public à l’occasion de la commission gouvernementale des 1 000 jours, créée en 2019 et ayant rendu son rapport à la rentrée 2020.
Le concept des 1 000 premiers jours concerne la période partant de la conception jusqu’à 2 ans et inclut donc le développement intra-utérin, là où l’on a souvent considéré que les traces psychiques commençaient à la naissance, voire aux premiers souvenirs.
Avec les progrès des neurosciences, notamment affectives, et de la neurobiologie interpersonnelle, le rêve de Freud est en train d’advenir : neurosciences, psychologie et psychothérapies se réunissent enfin pour éclairer la manière dont le petit humain développe son cerveau grâce à la relation, et comment les aléas de ses relations précoces sont susceptibles de déboucher sur des réponses psychopathologiques dans l’enfance, à l’adolescence et jusqu’à l’âge adulte. Ces avancées scientifiques nous permettent de mesurer à quel point cette période des 1 000 premiers jours correspond à une croissance très importante au niveau cérébral ; que les 1 000 premiers jours constituent un moment au cours duquel le développement du petit humain est particulièrement sensible et réactif à la qualité des soins qu’il reçoit, en particulier en ce qui concerne des fonctions essentielles, comme la régulation des émotions et la réaction au stress.
Le présent ouvrage a pour ambition de soutenir la diffusion en français de ces données passionnantes, issues des neurosciences, de l’épigénétique, de l’éthologie, des recherches sur l’attachement et de la psychothérapie ciblant cette période de vie précoce.
L’ouvrage commence donc par un exposé des données actuelles portant sur le développement au cours des 1 000 premiers jours de vie : la compréhension des enjeux du développement cérébral (Joanna Smith) ouvre à la notion de psychopathologie développementale (Susana Tereno), à la pertinence de détecter les stratégies d’attachement et le retrait relationnel précoce (Alexandra Déprez), en lien avec le stress maternel, dont l’impact a notamment été étudié grâce au désormais célèbre paradigme du visage impassible (Provenzi, Rinaldi &Tronick).
Dans la deuxième partie, les développements exposant les besoins interactionnels du nouveau-né puis du bébé permettent de déployer la réflexion portant sur les aléas développementaux liés à la rencontre de l’adversité ou du trauma précoce (Joanna Smith), dès la naissance, puisqu’elle peut être traumatique (docteur Pierre Rousseau), mais aussi du fait de traumatismes transgénérationnels (Elisabetta Dozio). Allan Schore nous offre une synthèse très riche des travaux mettant évidence la plus grande vulnérabilité développementale des garçons par rapport aux filles au cours des 1000 premiers jours, éclairant pourquoi certains troubles apparaissent avec une plus grande prévalence chez les hommes que chez les femmes (troubles du spectre autistique, schizophrénie précoce ou encore TDAH notamment).
Au sein de la troisième partie, les résultats d’études scientifiques débouchent naturellement sur des propositions d’intervention et de prévention, comme la consultation d’information, de conseil et d’orientation (CICO), destinée à soutenir, conseiller et orienter les personnes souffrant de troubles psychiques et ayant un désir d’enfant ou attendant un enfant (docteurs Romain Dugravier et Marie-Noëlle Vacheron) ou encore l’intervention CAPEDP, programme d’intervention précoce au domicile auprès d’une population multirisques française (Susana Tereno, professeur Antoine Guedeney & The CAPEDP Study Group). Le travail exposé par Elisabetta Dozio et portant sur le traitement du traumatisme du bébé en situation humanitaire permet d’élargir les applications cliniques à d’autres horizons culturels et géographiques.
La dernière partie de l’ouvrage est l’occasion de développer les perspectives psychothérapeutiques permettant de traiter cette période du développement, période si particulière du fait de l’encodage en mémoire préverbale / exclusivement implicite. Trois propositions thérapeutiques sont développées ici : Theraplay, une modalité thérapeutique éprouvée de longue date et permettant, par des activités ludiques, de restaurer le plaisir et la sécurité de l’attachement entre un enfant et son/ses parent(s) (Virginie Vandenbroucke) ; le Lifespan Integration (ICV), une psychothérapie du trauma permettant d’intégrer comme passées les expériences traumatiques ou insécurisantes, y compris préverbales (Joanna Smith, Laure Mann et Sarah Seguin) et l’EMDR centré sur les empreintes précoces, qui permet le retraitement des empreintes laissées au cours des 1 000 premiers jours et des traces transgénérationnelles (Hélène Dellucci).
Enfin, le Pr Antoine Guedeney nous partage ses réflexions et recommandations quant aux mesures à mettre en oeuvre pour améliorer l’accompagnement des 1 000 premiers jours, qu’il s’agisse de mesures politiques, sociales, administratives ou intervenant directement auprès des professionnels, des parents et des tout petits.
Les contributeurs à cet ouvrage sont chercheurs, cliniciens, universitaires, en exercice libéral ou hospitalier, impliqués dans la prévention ou l’intervention thérapeutique, et parfois tout cela à la fois.
Cette diversité permet un regard plus complet, plus complexe aussi, et vise à stimuler le travail d’intégration qui nous est nécessaire pour comprendre la complexité des enjeux du développement psychique et cérébral précoce.
Je vous souhaite que cette lecture soit stimulante, source d’inspiration et de réflexion, et une contribution à votre propre cheminement, ainsi qu’à celui des personnes que vous suivez ou auprès desquelles vous travaillez.

Les auteurs

Sous la direction de Joanna Smith
Préface de Boris Cyrulnik – Postface d’Antoine Guedeney
Avec la contribution de : H. Dellucci, A. Deprez, E. Dozio, R. Dugravier, C. Genet, A. Guedeney, L. Mann, L. Provenzi, E. Rinaldi, P. V. Rousseau, A. Schore, S. Seguin, S. Tereno, E. Tronick, M.-N. Vacheron, V. Vandenbroucke, E. Wallon.

Sommaire

PRÉFACE DE BORIS CYRULNIK
I. LE DÉVELOPPEMENT AU COURS DES 1000 PREMIERS JOURS
1. Neurosciences affectives et neurobiologie interpersonnelle des 1000 premiers jours
2. Attachement et psychopathologie développementale
3. Stratégies d’attachement et retrait relationnel du bébé
4. Le paradigme du « Visage impassible » : régulation du stress dans la dyade mère-bébé
II. IMPACT DE L’ADVERSITÉ ET DU TRAUMA AU COURS DES 1000 PREMIERS JOURS
5. Impact psychopathologique des expériences adverses des 1000 premiers jours
6. Naissance, trauma et résilience
7. La transmission transgénérationnelle du trauma
8. Neurobiologie et neuroendocrinologie développementales des garçons à risques
III. INTERVENTIONS ET PRÉVENTION
9. CICO : consultation pour futurs parents ayant un trouble psychiatrique
10. CAPEDP : intervention précoce en population multirisques
11. Psychothérapie du trauma du bébé en situation humanitaire
IV. PSYCHOTHÉRAPIE DES 1000 PREMIERS JOURS
12. Axer le soin sur le lien d’attachement : la CCAPE
13. Theraplay
14. Traitement des 1000 premiers jours par le Lifespan Integration (ICV)
15. Traitement des empreintes précoces avec l’EMDR
POSTFACE D’ANTOINE GUEDENEY 
REMERCIEMENTS – TABLE DES VIGNETTES CLINIQUES – BIBLIOGRAPHIE – RESSOURCES INTERNET

En savoir plus

Présentation du livre sur le site de l’éditeur : https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/grand-livre-1000-premiers-jours-vie-developpement-trauma-approche
Formation De la prise en compte à la prise en charge des traumatismes transgénérationnels en EMDR
Dossier Traumas transgénérationnels et EMDR
 

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