
Pommes et oranges : comparaison entre des patients atteints de TSPT et des individus en bonne santé dans les réponses à la stimulation bilatérale
Mis à jour le 3 juillet 2025
Cette étude examine les réponses physiologiques et subjectives à la stimulation bilatérale (SBA) chez des patients atteints de TSPT par rapport à des individus en bonne santé. Les résultats indiquent des différences distinctes : alors que les individus en bonne santé ont montré une réduction de la détresse et une attention accrue sous SBA, les patients atteints de TSPT ont montré un soulagement subjectif sans changements physiologiques correspondants. Ces résultats invitent à la prudence avant de supposer que les réponses aux SBA chez les populations en bonne santé sont directement transposables dans des contextes cliniques de TSPT.
Article publié en anglais – accès libre en ligne
Résumé
Objectifs
La stimulation bilatérale est un élément central de la thérapie par désensibilisation et retraitement par mouvements oculaires, une intervention psychothérapeutique pour le traitement du trouble de stress post-traumatique (TSPT). Des résultats prometteurs ont montré des effets physiologiques mesurables de la stimulation bilatérale chez des individus sains, mais les études qui ont reproduit ces résultats chez des patients atteints de TSPT sont rares.
Méthodes
23 patients atteints de TSPT et 30 témoins sains ont été confrontés à des scripts affectifs standard (agréables, neutres, désagréables) pendant qu’une stimulation tactile bilatérale était appliquée. Une stimulation unilatérale et l’absence de stimulation ont servi de conditions de contrôle. La réponse réflexe de sursaut induite par le bruit (mesure de la valence) et la réponse galvanique de la peau (mesure de l’excitation) ont été utilisées pour les réponses physiologiques, et l’échelle de valence et d’excitation du Self-Assessment-Manikin pour les réponses subjectives.
Résultats
Les deux groupes ont montré une réduction subjective de la détresse pour les scripts désagréables et une augmentation subjective de l’attention pour les scripts positifs sous stimulation bilatérale. Chez les individus sains, cela s’est également vérifié pour les mesures physiologiques, et un effet général de réduction du sursaut de la stimulation bilatérale en l’absence de stimuli affectifs a été constaté. Chez les patients atteints de TSPT, cependant, les effets se sont limités au niveau subjectif et aucun effet physiologique concomitant n’a été observé.
Conclusions et signification
Les résultats indiquent qu’il peut être problématique de généraliser les effets des SBA chez les individus sains aux patients atteints de TSPT. Les différences entre les groupes rapportées ici peuvent s’expliquer par les particularités spécifiques au TSPT dans le traitement des émotions et le style de traitement cognitif.
Caractéristiques physiologiques du TSPT par rapport aux individus en bonne santé
Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) est une réaction immédiate ou même retardée à un événement traumatisant, caractérisée par la reviviscence fréquente du traumatisme, l’évitement des stimuli associés au traumatisme et une hypervigilance physiologique (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM-V, Wittchen et al., 1997 ; APA, 2013). Ce trouble a une prévalence sur un an de 2,3 à 9,1 % (Schein et al., 2021) et entraîne des coûts socio-économiques élevés en raison de la réduction de la qualité de vie, de l’absentéisme et de la perte de productivité (Habetha et al., 2012).
Le TSPT est également associé à des changements physiologiques importants. Selon le modèle de la mémoire traumatique, le fait de vivre un événement traumatisant devrait entraîner une activation sympathique involontaire massive et une libération d’adrénaline, qui se traduisent physiologiquement par une augmentation de la fréquence cardiaque (FC), de la conductivité cutanée (CC) et de la réactivité de sursaut. En cas de confrontation renouvelée avec des stimuli associés au traumatisme, une réaction aversive comparable devrait se déclencher, même s’il n’y a objectivement plus de danger, et une hyperéveil physiologique concomitant est postulé, même en l’absence totale de stimuli affectifs (par exemple, Sartory et al., 2013 ; Brewin, 2018).
La section suivante décrit les différences entre les patients atteints de TSPT et les individus sains en ce qui concerne diverses variables physiologiques et différents schémas de réponse.
Différences entre les groupes en termes de paramètres physiologiques de base
L’hypothèse de différences entre les groupes en termes de paramètres physiologiques de base n’a été que partiellement confirmée : une réactivité accrue au sursaut et une accoutumance plus lente aux sons forts chez les patients atteints de TSPT n’ont pu être démontrées que si elles étaient mesurées par la FC, mais pas si elles étaient mesurées par électromyographie (EMG) de l’orbicularis oculi et par SC (Metzger et al., 1999 ; Orr et al., 2003), sauf dans des situations très stressantes avec des chocs électriques, qui ont augmenté le réflexe de sursaut mesuré par EMG (Morgan et al., 1995). Certains auteurs ont constaté une augmentation de base des intervalles RR chez les patients atteints de TSPT (Blanchard, 1990), tandis que d’autres n’ont rien constaté (McFall et al., 1992). En ce qui concerne l’EMG du SC et du frontalis, aucune hyperactivité corrélée à la gravité du TSPT n’a été observée (McDonagh-Coyle et al., 2001 ; Rothbaum et al., 2001). Ces divergences pourraient s’expliquer en partie par la puissance différente des études (Prins et al., 1995).
Différences entre les groupes dans le traitement des stimuli affectifs généraux et associés à un traumatisme
D’autres auteurs ont comparé les réponses émotionnelles à des images ou à des scripts affectivement pertinents chez des sujets atteints ou non de TSPT. Ils ont constaté une réactivité physiologique exagérée aux stimuli associés à un traumatisme chez les patients atteints de TSPT. Comme mesures physiologiques, le réflexe de sursaut induit par le bruit, le SC (McNally et al., 1987 ; Pitman et al., 1990 ; Orr et al., 1993 ; McDonagh-Coyle et al., 2001 ; Tarrier et al., 2002 ; Pole, 2007), la FC, la pression artérielle (PA) et l’EMG frontal (Blanchard, 1990 ; Pitman et al., 1990 ; Orr et al., 1993 ; McDonagh-Coyle et al., 2001) ont été utilisés. Ces mesures ont permis de distinguer les sujets atteints de TSPT des sujets sains (Orr et al., 1993), même lorsque les sujets étaient invités à modifier/dissimuler leurs réponses physiologiques (Gerardi et al., 1989, SC et HR). En revanche, le traitement des stimuli aversifs non associés à un traumatisme n’était pas différent entre les groupes (Tarrier et al., 2002), mais une réactivité émotionnelle significativement diminuée aux stimuli agréables et neutres a été observée chez les patients atteints de TSPT (McDonagh-Coyle et al., 2001).
Différences entre les groupes dans la réponse à la stimulation bilatérale
Au cours des dernières décennies, la désensibilisation et le retraitement par les mouvements oculaires (EMDR) ont été introduits comme traitement efficace du TSPT, élargissant ainsi la compréhension des techniques de thérapie traumatique en tenant compte de mécanismes d’action allant au-delà de la simple accoutumance (Shapiro, 1989, 1996, 2002, 2017 ; Bisson et al., 2013).
Contrairement à la thérapie classique par exposition prolongée au traumatisme, la phase d’exposition imaginative de l’EMDR consiste à présenter des stimuli sensoriels bilatéraux alternés, qui peuvent prendre la forme de mouvements oculaires induits (stimulation visuelle), de touchers rythmiques sur la surface du corps (stimulation tactile, par exemple sur les mains) ou de sons alternés (stimulation acoustique) (Shapiro, 2017). Selon le modèle de traitement adaptatif de l’information (modèle TAI, Shapiro, 2001 ; Solomon et Shapiro, 2008), cela devrait améliorer le traitement et l’intégration des souvenirs stressants et apporter un soulagement affectif.
D’une part, de nombreux essais cliniques randomisés comparent l’efficacité du traitement EMDR chez les patients atteints de TSPT à d’autres méthodes de thérapie traumatique (Van Etten et Taylor, 1998 ; Ironson et al., 2002 ; Power et al., 2002). Selon des méta-analyses, l’effet de réduction des symptômes du TSPT de l’EMDR est comparable à celui d’autres formes de traitements axés sur les traumatismes, telles que la thérapie cognitivo-comportementale axée sur les traumatismes (Tf-CBT) (par exemple, Chen et al., 2014 ; Khan et al., 2018). D’autre part, un nombre croissant d’études en laboratoire examinent les mécanismes sous-jacents de l’EMDR dans des conditions expérimentales (voir une synthèse de Houben et al., 2020). Ces études de démantèlement ne se concentrent pas sur l’EMDR dans son ensemble, mais sur des mécanismes d’action potentiels tels que le type spécifique de stimulation. Certaines de ces études portaient sur des patients atteints de TSPT (Wilson et al., 1996 ; Servan-Schreiber et al., 2006 ; Elofsson et al., 2008), d’autres sur des personnes en bonne santé (Andrade et al., 1997 ; Barrowcliff et al., 2003 ; Gunter et Bodner, 2008 ; Engelhard et al., 2010 ; Nieuwenhuis et al., 2013). Outre une réduction subjective de la détresse (Servan-Schreiber et al., 2006), divers effets physiologiques de la stimulation bilatérale ont été observés. Chez les patients atteints de TSPT, par exemple, une diminution de la conductance cutanée et de la fréquence cardiaque induite par la stimulation a été observée (Elofsson et al., 2008). Des études menées chez des individus en bonne santé ont également révélé une réduction de la potentialisation du réflexe de sursaut (indiquant une diminution de la détresse) lors de l’imagination de scénarios négatifs et une augmentation de la SCR (indiquant une augmentation de l’attention) lors de l’imagination de scénarios positifs (Reichel et al., 2021). Cependant, peu d’études ont spécifiquement examiné les effets différentiels de la stimulation sur les deux groupes.
La seule méta-analyse trouvée sur ce sujet n’a révélé aucune différence significative entre les populations cliniques et les individus en bonne santé (Lee et Cuijpers, 2013). Ces résultats sont toutefois limités : ils ont été obtenus lors de séances EMDR complètes et n’examinent pas les effets de composantes spécifiques de l’EMDR telles que la stimulation bilatérale (BLS). En outre, les études antérieures sur la stabilité temporelle des effets de l’EMDR se réfèrent principalement à l’EMDR dans son ensemble et rapportent des résultats contradictoires (Wilson et al., 1997 ; Carlson et al., 1998 ; Devilly et al., 1998 ; Macklin et al., 2000 ; Marcus et al., 2004). Enfin, aucun paramètre de mesure objectif n’a été pris en compte, c’est-à-dire que les résultats se limitent à des données subjectives qui peuvent être faussées par des effets de désirabilité sociale. Par conséquent, une comparaison directe entre des patients atteints de TSPT et des individus sains dans le cadre d’une même étude, qui devrait inclure des mesures subjectives et physiologiques ainsi que des tests de suivi, est nécessaire.
Objectifs et hypothèses
Le présent projet de recherche vise à approfondir les connaissances sur les différences subjectives et physiologiques entre les patients atteints de TSPT et les individus sains lors du traitement émotionnel et de leur réactivité à une stimulation bilatérale. À cette fin, une confrontation in sensu avec des scripts d’imagination de différentes valences (négative vs neutre vs positive) dans différentes conditions de stimulation (bilatérale vs monolaterale vs aucune stimulation) doit être réalisée. Au cours du processus d’imagination, des paramètres physiologiques et psychométriques d’excitation ainsi que des paramètres physiologiques et psychométriques de valence seront mesurés.
Dans un premier temps, les résultats antérieurs concernant les différences entre les groupes en matière de paramètres physiologiques de base et de réactivité émotionnelle doivent être reproduits. Pour cela, des comparaisons sont effectuées entre les groupes (patients atteints de TSPT vs sujets témoins) et entre les différentes catégories de scripts (négatif vs neutre vs positif vs aucun script), en ne tenant compte que des essais sans stimulation.
Dans un deuxième temps, l’accent est mis sur les différences entre les groupes en matière de réactivité émotionnelle dans les différentes conditions de stimulation (stimulation bilatérale vs stimulation unilatérale vs absence de stimulation). Pour répondre à cette question, les essais avec stimulation bilatérale sont comparés à ceux avec stimulation unilatérale et absence de stimulation.
Les hypothèses suivantes sont testées :
Hypothèses sur la réactivité émotionnelle générale
H1 : On s’attend à un effet d’interaction significatif entre les facteurs « catégorie de script » (négatif vs neutre comme contraste principal) et « groupe » (patients atteints de TSPT vs sujets témoins), c’est-à-dire que les patients atteints de TSPT présentent (1) une augmentation plus forte des sentiments aversifs et une augmentation plus forte de l’excitation lorsqu’ils imaginent des scripts négatifs (2) une augmentation plus faible des sentiments positifs et une augmentation plus faible de l’excitation lorsqu’ils imaginent des scripts positifs (par rapport aux scripts neutres).
Hypothèses sur l’effet de la stimulation bilatérale
H2 : On s’attend à un effet d’interaction significatif entre les facteurs « type de stimulation » (bilatérale vs aucune stimulation comme contraste principal) et « catégorie de script » (négatif vs neutre), c’est-à-dire qu’avec la stimulation bilatérale, les situations affectives imaginées (c’est-à-dire négatives ou positives) sont vécues de manière moins intense (c’est-à-dire aversives ou positives) et génèrent moins d’excitation qu’sans stimulation (par rapport aux scripts neutres). Cela s’applique aussi bien aux patients atteints de TSPT qu’aux personnes en bonne santé, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de différence entre les groupes.
En savoir plus
Références de l’article Pommes et oranges : comparaison entre des patients atteints de TSPT et des individus en bonne santé dans les réponses à la stimulation bilatérale :
- auteurs : Pape Valeska , Sammer Gebhard , Hanewald Bernd , Schäflein Eva , Rauschenbach Fritz , Stingl Markus
- titre en anglais : Apples and oranges: PTSD patients and healthy individuals are not comparable in their subjective and physiological responding to emotion induction and bilateral stimulation
- publié dans : Frontiers in Psychology, Volume 15 – 2024
- doi :
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Formation(s) : Formation initiale en EMDR