Techniques psychothérapeutiques pour les souvenirs angoissants : Une étude comparative entre EMDR, Brainspotting, et Body Scan Meditation

Mis à jour le 29 septembre 2022

Techniques psychothérapeutiques pour les souvenirs angoissants : Une étude comparative entre EMDR, Brainspotting, et Body Scan Meditation, un article de D’Antoni,  F., Matiz, A., Fabbro, F., & Crescentini, C., publié dans International Journal of Environmental Research and Public Health

Article publié en anglais – accès libre en ligne

Résumé 

Objectifs

Nous avons exploré les effets d’une seule séance de 40 minutes d’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), de BSP (Brainspotting) et de BSM (Body Scan Meditation) sur le traitement des souvenirs pénibles rapportés par un échantillon non clinique de participants adultes. CONCEPTION : Une conception intra-sujet a été utilisée.

Méthodes

Les participants (n = 40 psychologues/médecins) ont rapporté quatre souvenirs pénibles, chacun traité par une seule intervention. L’EMDR, la BSP et la BSM ont été comparées l’une à l’autre, ainsi qu’à une condition de contrôle actif de lecture de livres (BR), en utilisant comme mesures dépendantes, les SUD (Unités Subjectives de Perturbation) et la Durée de Raccourcissement de la Mémoire (MTD) sur une échelle de temps à 4 points : Ligne de base, pré-intervention, post-intervention, suivi.

Résultats

Les scores SUD associés à l’EMDR, au BSP et au BSM ont significativement diminué de la pré-intervention à la post-intervention (p < 0,001). A la post-intervention et au suivi, les scores SUD de l’EMDR et du BSP étaient significativement plus bas que ceux du BSM et du BR (p < 0.02). Après l’intervention et le suivi, les scores SUD de BSM étaient inférieurs à ceux de BR (p < 0,01). Une réduction de la MTD a été observée de la pré-intervention à la post-intervention pour les conditions EMDR et BSP (p < 0,001).

Conclusions

Dans l’ensemble, les résultats ont montré les effets bénéfiques de séances uniques d’EMDR, de BSP ou de BSM dans le traitement des souvenirs pénibles d’adultes en bonne santé. Les limites de l’étude et les suggestions pour de futures recherches sont discutées.

Discussion 

L’objectif de cette étude était d’explorer les effets des interventions de 40 minutes en une seule session avec les techniques EMDR, BSP et BSM sur la capacité des individus à traiter les événements négatifs de la vie.

Dans un plan intra-sujet, les participants ont raconté au chercheur quatre souvenirs pénibles, chacun d’entre eux ayant été traité par une seule intervention (EMDR, BSP, BSM, et une condition de contrôle de lecture de livre, BR). Toutes les interventions ont été réalisées auprès d’un échantillon non clinique de psychologues et de médecins. Ces professionnels ont été soumis à un dépistage initial de la psychopathologie et du fonctionnement neuropsychologique à l’aide de tests neuropsychologiques et de questionnaires d’auto-évaluation. Nous avons comparé les trois interventions et la condition de contrôle actif en utilisant à la fois les mesures des unités subjectives de perturbation (SUD) et de la durée de la mémoire (MTD) sur une échelle de temps en 4 points (sessions) : Baseline (c’est-à-dire environ une semaine avant l’intervention), Pre- et Post-Intervention (c’est-à-dire immédiatement avant et après l’intervention spécifique ou la condition de contrôle), et Follow-up (c’est-à-dire environ deux mois après l’intervention).

L’analyse des scores SUD a révélé un effet principal de la session : Les scores SUD n’étaient pas différents entre la ligne de base et la pré-intervention, mais ils ont diminué de la pré-intervention à la post-intervention, et de la post-intervention au suivi. Plus précisément, un effet d’interaction entre la session et l’intervention a révélé que les scores SUD associés aux techniques EMDR, BSP et BSM, mais pas BR, ont diminué de manière significative de la pré-intervention à la post-intervention. Cela indique que les trois techniques ont été plus efficaces que la condition de contrôle pour atténuer la détresse liée aux souvenirs pénibles. Par conséquent, le partage social des souvenirs douloureux (sans doute l' »ingrédient » le plus important de la condition de RE) n’était pas suffisant pour réduire de manière significative la détresse subjective liée aux souvenirs rapportés. Néanmoins, l’exploration de l’effet d’interaction a révélé que les scores SUD associés au RE ont diminué de la post-intervention au suivi, même si, à la dernière session, ils sont restés significativement plus élevés que les scores associés aux interventions EMDR, BSP et BSM.

Plus précisément, en ce qui concerne l’hypothèse principale de l’étude sur la plus grande efficacité de l’EMDR dans le traitement des souvenirs pénibles, les résultats obtenus ne semblent confirmer que partiellement notre attente : en effet, immédiatement après les interventions, les scores SUD associés à l’EMDR, mais aussi à la BSP, étaient significativement plus faibles que les scores associés à la BSM et à la RE ; le même schéma était observable lors du suivi. Bien que les scores associés à l’EMDR à l’issue de l’intervention et du suivi aient été inférieurs aux scores associés au BSP, cette différence n’était pas statistiquement significative. En ce qui concerne la conception expérimentale spécifique employée dans l’étude actuelle, l’EMDR et le BSP semblent donc être comparables en termes d’efficacité pour réduire la perturbation subjective des participants sains liée à des souvenirs pénibles. En essayant de généraliser ces résultats préliminaires au contexte clinique, il pourrait être important de prendre en compte les préférences de traitement du patient lors du processus de décision thérapeutique. En effet, une procédure de débriefing informelle menée à la fin de la présente étude, c’est-à-dire pendant la session de suivi, a montré que certains participants préféraient le BSP à l’EMDR parce qu’ils s’étaient sentis plus libres pendant le traitement des souvenirs dans le premier type d’intervention que dans le second. Néanmoins, d’autres participants ont indiqué qu’ils s’étaient sentis « un peu perdus » pendant la BSP et qu’ils préféraient être davantage guidés par le thérapeute pendant le traitement des souvenirs avec l’EMDR.

Bien qu’elle n’ait pas été spécifiquement conçue à des fins psychothérapeutiques, la BSM s’est également avérée efficace, bien que dans une moindre mesure que l’EMDR et la BSP, pour réduire les scores SUD liés aux souvenirs pénibles après l’intervention, et cet effet est resté sensiblement stable dans le temps (lors du suivi). En général, il est important de garder à l’esprit que nos résultats ne peuvent pas être directement étendus à l’ensemble du processus thérapeutique à partir duquel les techniques EMDR, BSP, et aussi BSM peuvent être extrapolées.

Une explication possible de l’efficacité de l’EMDR, de la BSP et, dans une moindre mesure, de la BSM, dans la réduction des scores SUD liés à des souvenirs pénibles chez des individus en bonne santé pourrait être attribuable à deux éléments fondamentaux qui caractérisent ces trois interventions : (1) le degré de connexion dans la relation participant/thérapeute et (2) l’accent mis sur les sensations corporelles. En effet, bien que dans les deux premières conditions (EMDR et BSP), l’implication relationnelle du thérapeute soit reconnue comme un élément clé de l’intervention, dans la BSM, la connexion et l’intimité ont pu être favorisées, au moins dans une certaine mesure, par la prosodie apaisante de la voix directrice du thérapeute. Bien que cette étude ait employé le même thérapeute pour tous les types d’intervention afin de minimiser les effets de variables potentiellement confondantes liées, par exemple, aux compétences relationnelles et aux caractéristiques de personnalité des différents thérapeutes, les futures études intéressées par la comparaison de différentes techniques thérapeutiques pourraient tenter d’inclure des mesures de la relation thérapeutique pour chacune d’entre elles, comme le degré de connexion et d’harmonisation (par exemple, le Working Alliance Inventory) [47].

En ce qui concerne la focalisation sur les sensations corporelles, l’auto-observation du corps avec une attitude équanime et sans jugement est un élément transversal à la fois dans les techniques thérapeutiques EMDR et BSP, et dans la BSM. Selon le modèle sensorimoteur de la mémoire [48,49], raconter un souvenir angoissant pourrait réactiver les composantes somatosensorielles des informations perceptives et motrices enregistrées lors de l’encodage de l’événement, et laisser des traces d’activation dans le corps. Dans le cas spécifique du BSM, l’observation attentive des sensations corporelles pourrait affecter ces traces somatiques liées au souvenir, favorisant un traitement implicite de l’expérience, même sans y penser volontairement. En effet, dans l’étude actuelle, plusieurs participants ont non seulement rapporté des sentiments de soulagement immédiatement après la BSM, mais ont aussi parfois fait référence à des intuitions et à des points de vue différents sur l’événement pénible pendant le récit de la mémoire post-intervention. Les commentaires de ces personnes indiquent donc le potentiel thérapeutique de la concentration sur les parties du corps et les sensations lorsque différents états physiologiques sont activés par le rappel d’un souvenir pénible. Plus généralement, ces données suggèrent un approfondissement des implications cliniques de la BSM [30]. Par exemple, si un patient partage un souvenir très pénible pendant une session thérapeutique, le thérapeute pourrait guider une pratique BSM avant de procéder à l’approfondissement de l’expérience et à son élaboration avec des techniques plus spécifiques, comme l’EMDR. Dans ce cas, il est possible que la BSM favorise, dans une certaine mesure, la désensibilisation et le traitement spontané de l’événement, bien qu’elle ne nécessite pas de se concentrer sur le souvenir spécifique ou d’en parler.

Comme mentionné ci-dessus, l’auto-observation du corps est un élément fondamental non seulement de la BSM, mais aussi de l’EMDR et de la BSP. L’élément de base de la concentration attentive sur les sensations corporelles se retrouve également dans d’autres approches thérapeutiques ascendantes bien connues, telles que l’expérience somatique [21] et la psychothérapie sensori-motrice [50]. Cependant, ce n’est que dans les approches EMDR et BSP que le BLS est ajouté pendant le traitement et, de plus, l’auto-observation est étendue à l’ensemble du flux de conscience lié à l’événement cible (par exemple, les cognitions, les images, les sentiments ou le Brainspot). Il est possible que les mouvements oculaires dans l’EMDR et le point de fixation visuelle dans le Brainspot BSP affectent les schémas sensorimoteurs activés pendant le traitement de la mémoire. En effet, il existe une grande quantité de littérature sur la façon dont les mouvements oculaires et le regard affectent la récupération de la mémoire [6,9,49,51].

Une autre explication possible de l’efficacité, en particulier, de l’EMDR et du BSP dans la réduction des scores SUD liés aux souvenirs pénibles peut être liée à l’exposition imaginative. En effet, bien que ce ne soit pas dans la même mesure qu’avec d’autres techniques telles que la thérapie d’exposition, ces deux techniques impliquent une sorte d’exposition imaginative aux souvenirs pénibles, et cela peut contribuer à leur retraitement adaptatif [52]. Il est remarquable de constater qu’une telle possibilité pourrait également expliquer, du moins en partie, la réduction des scores SUD dans la condition de contrôle BR. En effet, la lecture d’un livre sur le traumatisme peut avoir déclenché le souvenir de son propre événement traumatisant, produisant ainsi une exposition imaginative limitée à celui-ci.

En résumé, l’auto-observation attentive de son flux de conscience (en particulier les sensations corporelles, mais aussi les cognitions et les images) lié au souvenir pénible, en association avec le BLS dans un contexte de connexion profonde entre le patient et le thérapeute, semble être un élément crucial pour développer des interventions efficaces pour atténuer et traiter la souffrance psychologique liée aux souvenirs pénibles.

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En savoir plus 

Références de l’article Techniques psychothérapeutiques pour les souvenirs angoissants : Une étude comparative entre EMDR, Brainspotting, et Body Scan Meditation, :

  • auteurs : D’Antoni,  F., Matiz, A., Fabbro, F., & Crescentini, C.
  • titre en anglais : Psychotherapeutic Techniques for Distressing Memories: A Comparative  Study between EMDR, Brainspotting, and Body Scan Meditation
  • publié dans : Int J Environ Res Public Health, 19(3), 1142.
  • doi :10.3390/ijerph19031142
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