Témoignage : "J’ai perdu mon premier bébé à cinq mois et demi de grossesse"

Témoignage : « J’ai perdu mon premier bébé à cinq mois et demi de grossesse »

Mis à jour le 5 octobre 2022

Un article Témoignage : « J’ai perdu mon premier bébé à cinq mois et demi de grossesse », recueilli par Véronique Houuet, publié sur le site top santé.

Laetitia*, 37 ans, a mis six ans à faire le deuil de son premier bébé né bien trop tôt. Elle confie sa plongée en enfer jusqu’à sa renaissance à la vie.
J’étais en voyage de noces aux Maldives, lorsque ma vie a basculé. Ce 6 mai 2003, j’ai accouché seule dans la salle de bains de l’hôtel, tandis que mon mari était parti chercher du secours. Lorsque mon bébé est sorti, j’ai réalisé qu’il était beaucoup trop jeune, que je devais l’aider à continuer à respirer, alors j’ai appuyé sur son petit torse avec mes deux pouces. Il était si beau, les traits si fins. Pas de sang, ni de vernix, il était propre, c’était un nourrisson parfait. Mais il n’ouvrait pas les yeux, il ne respirait déjà plus.
Au dispensaire local, ma tension n’a cessé de chuter. J’avais 24 ans et je sais que j’ai choisi de ne pas mourir là-bas. Aujourd’hui encore, alors que j’ai eu trois enfants depuis, je ressens de la culpabilité d’avoir fait ce choix. De ne pas être « partie » avec mon fils Gabriel, de l’avoir « abandonné ». Cela m’a torturée durant des années, car sa mort m’a laissé la vie. Pendant des mois après notre rapatriement, j’ai essayé de mourir de chagrin, mais c’était trop tard.

Mon mari et moi l’avons vécu très différemment

Reste que j’ai peu à peu glissé vers la dépression. Envolées, ma belle assurance, la confiance en moi et ma vitalité. J’ai voulu retravailler, car mon instinct de survie me disait de ne pas tomber enceinte immédiatement pour éviter de faire un « en- fant médicament ». Mais trouver un emploi alors qu’on est en pleine dépression est un pari perdu d’avance. Pour mon mari, c’était la nature qui avait éliminé un foetus défectueux. Sa façon de se protéger, peut-être ? Pour moi, il en allait tout autrement. La base de notre éloignement était posée et nous avons divorcé quelques années après. D’autant que ce drame a mis fin à notre intimité. En effet, la nuit précédant la fausse couche, nous avions fait l’amour. Mon mari a toujours cru que c’était lié. Cela a figé notre sexualité dans la culpabilité et nous avons consenti à renouveler nos rapports uniquement dans un projet de reproduction.
Ainsi, après deux ans à tourner en rond dans ma détresse, j’ai accepté d’essayer d’avoir à nouveau un enfant. Je suis tombée enceinte tout de suite. Bonne nouvelle, mon corps avait encore la capacité d’être fécondé. Allait-il être capable d’être un nid suffisamment solide ? Il m’était impossible de m’enlever de la tête que Gabriel était mort parce que mon corps n’avait pas été capable de le garder. Pourtant, jusque-là, j’avais tout réussi du premier coup : études, permis, mariage… Je conçois à présent ne pas être responsable de sa mort. Néanmoins, mes trois autres grossesses ont été plus proches d’une longue maladie que d’une période bénie d’épanouissement, surtout à l’approche du terme fatidique des cinq mois et demi, chargé d’angoisse.

Grâce à une thérapie, j’ai réussi à lâcher prise

Un douloureux chemin fait de psychothérapies et d’EMDR, une thérapie basée sur les mouvements oculaires qui permet de traiter les traumatismes refoulés. Lors de ma séance, j’ai eu la sensation de tenir Gabriel dans mes bras. Ce fut très émouvant et éprouvant, je pleurais tout en suffoquant. J’ai communiqué avec lui, il pensait que j’étais très en colère contre lui. Je lui ai expliqué que non, que j’étais en colère contre moi de ne pas avoir réussi à le garder et, surtout, que j’étais triste.
J’ai enfin pu le réconforter et le câliner dans mes bras. Il savait désormais que je l’aimais. Puis j’ai dû accepter de le laisser partir, de lâcher prise et de laisser partir mon chagrin, auquel je m’attachais depuis tant d’années. Ensuite, je me suis sentie essorée autant que libérée, j’ai pu penser et parler de Gabriel sans pleurer. J’ai enfin réussi à accepter de faire mon deuil, car, jusque-là, l’accepter signifiait pour moi oublier Gabriel.

Il faut en parler, encore et encore

Les groupes de parole des associations de deuil, les livres, ça aide. Il faut s’accorder le droit et le temps d’être malheureuse. Crucial aussi de nommer le bébé, qu’il ait un prénom, car il a existé. J’ai eu quatre enfants. À la maison, une photo de moi enceinte de Gabriel est placée à côté de celles de mes autres enfants.
Sans ce drame, je n’aurais certainement pas été la même mère. Je n’aurais pas eu conscience de l’aspect sacré d’une naissance, que le fait d’avoir un enfant n’est pas un dû. La vérité est que Gabriel m’oblige, encore aujourd’hui, à vivre chaque instant en pensant que je peux mourir demain. Je laisserais mes enfants seuls et j’en retrouverais un. Je suis donc toujours partagée entre la peur et la confiance. On ne s’en remet jamais totalement… Ce qui ne m’empêche pas d’être à nouveau heureuse, à nouveau amoureuse et de vivre dans la joie en famille.
*Auteure de « L’instinct de vivre ». En vente sur linstinctdevivre.com ou sur www.amazon.fr

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