Comment détecter les signes cliniques des troubles dissociatifs chez vos patients ?

Comment détecter les signes cliniques des troubles dissociatifs chez vos patients ?

Mis à jour le 28 août 2023

La procédure standard de la thérapie de désensibilisation et de  retraitement des mouvements oculaires (EMDR) recommande une évaluation clinique approfondie et un dépistage formel de la présence d’un trouble  dissociatif chez les patient.e.s.

Les troubles dissociatifs ont tendance à être sous-diagnostiqués ou mal diagnostiqués, et donc sous-traités, dans la plupart des contextes cliniques. De nombreux cliniciens EMDR continuent de croire à tort qu’ils peuvent déterminer qui est dissociatif et qui ne l’est pas, comme si les troubles dissociatifs se manifestaient de manière flagrante. Ils n’utilisent les instruments de mesure que pour les patients qu’ils soupçonnent déjà d’être dissociatifs, passant à côté d’un grand nombre de diagnostics dissociatifs non flagrants.

Ils existent plusieurs instruments de mesure. Ils ne constituent qu’un dépistage, doivent être utilisés en conjonction avec l’entretien clinique et peuvent donner des résultats faussement positifs ou négatifs, en fonction notamment de la gravité de la dissociation et de la défense de certaines parties du moi. Il s’agit toutefois d’une étape cruciale. Un dépistage de routine accompagné de questions cliniques peut révéler le risque de dissociation modérée à sévère et permettre au clinicien d’explorer plus avant les informations fournies par le patient afin d’évaluer ce qui est nécessaire à la stabilisation.

Cette évaluation permet de développer une conceptualisation précise du cas avant  les phases de préparation et de retraitement des traumatismes de la  thérapie EMDR et de modifier la procédure EMDR pour l’adapter à ce type de patients.

Evaluation des patients adultes

Plusieurs instruments sont disponibles pour la détection de troubles dissociatifs chez les patients adultes :

  • Echelle d’expériences dissociatives (EED) ou Dissociatives Experiences Scale, DES en anglais, développée par Carlson et Putman
  • Inventaire multidimentionnel de la dissociation ou « Multidimensional Inventory of Dissociation (MID) », développé par Paul F. Dell
  • Somatoform Dissociation Questionnaire, développé par Ellert Nijenhuis.
  • Multi-scale Dissociation Inventory (MDI), développé par John Briere, à laquelle on peut accéder depuis le « Psychological Assessment Resources », Sarasota, FL (www.par. com).
  • SCID-D, instrument de diagnostic présenté comme l’étalon-or pour l’évaluation des troubles dissociatifs, n’est pas intuitivement compréhensible et exige qu’un clinicien soit formé à son administration et à sa notation et, en outre, qu’il ait une certaine formation en matière de troubles dissociatifs, mais..,
  • TADS-I (Trauma and Dissociation Symptoms Interview)

Echelle d’expériences dissociatives

L’échelle d’expériences dissociatives (EED ou Dissociatives Experiences Scale, DES en anglais) est l’instrument qui a fait l’objet du plus de recherches et qui est le plus utilisé en clinique. Elle a été rapidement adoptée par les cliniciens et les chercheurs en raison de ses avantages, notamment sa brièveté, sa facilité de notation et la clarté des choix de réponse offerts au répondant

L’EED (Carlson & Putnam, 1993) a été développée pour servir d’outil de dépistage afin d’augmenter la probabilité d’identifier les personnes qui répondent aux critères d’un trouble dissociatif.

Elle a été conçur comme un instrument de mesure de la dissociation, conceptualisant la dissociation sur un continuum où les populations cliniques et non cliniques sont différenciées par le nombre et la fréquence des symptômes, allant des expériences dissociatives normales telles que « l’hypnose de l’autoroute », rêvasser ou être absorbé dans un livre, jusqu’à une dissociation pathologique qui peut impliquer des expériences de dépersonnalisation/ déréalisation ou l’amnésie d’expériences dissociées.

Il s’agit d’un questionnaire auto-administré, composé de 28 items, que le patient mettra environ 10 minutes à compléter et le thérapeute 10 minutes à corriger.

Il est demandé aux répondants d’évaluer chacun des 28 items composant le DES-II en fonction de sa présence et de sa fréquence dans leur vie quotidienne. Les notes sont données sur une échelle de 11 points, allant de 0 % (jamais) à 100 % (toujours), les notes les plus élevées et un score moyen plus élevé indiquant une plus grande fréquence, et donc une plus grande gravité, des troubles (Carlson & Putnam, 1993). 

L’EED  doit être utilisée avec des adultes de plus de 18 ans.

Elle est traduite et validée dans 16 langues.

Il a été démontré qu’il y a une variable ou catégorie de « dissociation pathologique » qui est différente de la dissociation normale ou non-pathologique (Waller et al, 1996; Waller & Ross, 1997). Sur l’EED, ceci est illustré par des items tels que « Certaines personnes trouvent que lorsqu’elles regardent la télévision ou un film, elles sont tellement absorbées par l’histoire, qu’elles n’ont pas conscience de ce qui se passe autour d’elles ». La dissociation pathologique, elle, serait illustrée par des items tels que « Certaines personnes ont l’impression que d’autres personnes, des objets ou le monde autour d’eux ne sont pas réels » et « Certaines personnes trouvent parmi leurs affaires de nouvelles choses qu’ils ne se souviennent pas avoir achetées ». Cette sorte de dissociation pathologique peut être évaluée pour un sous-ensemble de 8 items du EED appelé DES-T (Waller et al. 1996). Ces items sont les numéros 3, 5, 7, 8, 12, 13, 22 et 27 de l’EED. Parce que la correction du DES-T est assez compliquée, un fichier Microsoft Excel 97 a été créé par Darryl Perry, il s’agit d’un fichier public, accessible et téléchargeable depuis le site de la « International Society for the Study of Dissociation » (http://www.isst-d.org). Ce fichier Excel aidera à calculer la probabilité qu’une personne ou un patient présente cette catégorie de dissociation, par ex. – dissocie de manière pathologique. Alors que le DES-T peut indiquer la probabilité qu’un individu en particulier présente des symptômes de dissociation pathologique, il ne fournit ni une évaluation approfondie, ni un diagnostic définitif quant à un trouble dissociatif chez le patient. Il sera nécessaire d’évaluer le patient plus profondément pour obtenir un diagnostic définitif. Ces trois ressources sont disponibles pour cela : la « Dissociative Disorders Interview Schedule », la « Structured Clinical Interview for DSM-IV Dissociation » ou la « Multi-dimensional Inventory of Dissociation » (voir ci-dessous).

Les auteurs originaux du DES (Carlson et al., 1993 ; Carlson & Putnam, 1993), ainsi que ses partisans et détracteurs ultérieurs, ont souligné à maintes reprises ses limites en matière de sous-diagnostic (faux négatifs) ou de surdiagnostic (faux positifs) des troubles dissociatifs, en particulier lorsque les scores moyens sont pris sans autre investigation ou contexte (Brand et al., 2006 ; Foote et al., 2006 ; Ross, 2021). Cet instrument ne prétend pas être un instrument de diagnostic mais seulement un outil de dépistage.

En savoir plus : Echelle EED en français, Echelle DES en anglais, Notation Dissociative Experiences Scale (DES-II) Taxon Calculator (Excel), Article Au-delà de l’échelle des expériences dissociatives : Dépistage des troubles dissociatifs en thérapie EMDR

Inventaire multidimentionnel de la dissociation

L’Inventaire multidimentionnel de la dissociation ou « Multidimensional Inventory of Dissociation (MID) » a été développé par Paul F. Dell

Le MID peut être administré et noté en ligne, gratuitement, et il est périodiquement mis à jour.

Si les informations de dépistage et d’évaluation de l’EED indiquent un risque de dissociation modérée à sévère chez un patient, le MID peut être utilisé pour identifier les symptômes, suggérer un diagnostic et indiquer si des troubles de la personnalité ou d’autres facteurs sont également présents. 

Le MID est gratuit et son administration n’entraîne aucun coût. Il est possible de le noter soi-même lorsqu’il est administré sur ordinateur dans une feuille de calcul Excel, ce qui permet de l’interpréter instantanément.

En savoir plus : cet instrument est disponible sur le site https://www.mid-assessment.com

SCID-D 

Le SCID-D a été développé par Marlene Steinberg. Il est publié par l’American Psychiatric Press.

Le SCID-D est un entretien interactif semi-structuré permettant d’évaluer les symptômes et les troubles dissociatifs chez les adultes et les adolescents.

La SCID-D est conçu pour évaluer la présence et la sévérité de 5 différents groupes de symptômes dissociatifs : amnésie, dépersonnalisation, déréalisation, confusion d’identité et altération d’identité.

Le SCID-D est un long entretien de diagnostic, impliquant l’exploration pendant quelques heures des symptômes particuliers qui représentent les critères DSM pour le diagnostic de chacun des troubles dissociatifs.

Le SCID-D est assez cher et long :  il faut un manuel et des livrets d’administration. Son  administration et la notation du SCID-D pour les cas complexes peut prendre plusieurs  heures de travail.

Conçu pour accompagner le SCID-D, un guide enseigne au clinicien l’administration, la notation et l’interprétation de l’entretien SCID-D. Le guide décrit la phénoménologie des symptômes et des troubles dissociatifs, ainsi que le processus de diagnostic différentiel. La dernière édition révisée comprend une série d’arbres de décision et quatre études de cas.

Plus de 30 ans de recherche et d’utilisation clinique dans le monde entier ont confirmé la fiabilité et la validité de l’entretien SCID-D, ainsi que son universalité à travers les cultures. L’entretien a démontré sa capacité à distinguer les personnes présentant des symptômes et des troubles dissociatifs de celles souffrant d’autres troubles, et il est largement considéré comme l’étalon-or dans ce domaine.

En savoir plus : SCID-D en français, SCID-D interview, Structured Clinical Interview for DSM-IV Dissociative Disorders, Revised (SCID-D-R; Purchase)

TADS-I 

Le TADS-I est un entretien semi-structuré administré par un clinicien pour évaluer les symptômes dissociatifs et d’autres symptômes liés au traumatisme.

Le TADS-I a été développé par Suzette Boon dans le prolongement de l’Interview for Dissociative Disorders and Trauma-Related Symptoms (IDDTS) qu’elle avait précédemment mis au point avec Helga Matthess.

L’objectif principal du TADS-I est d’évaluer la sévérité et la qualité des symptômes dissociatifs et des autres symptômes liés au traumatisme. L’entretien doit avant tout permettre d’affirmer la présence d’un trouble dissociatif.

Outre les questions sur les symptômes dissociatifs, le TADS-I comprend également des questions sur d’autres symptômes liés au traumatisme, notamment les problèmes de sommeil, les problèmes d’alimentation, les plaintes liées à l’anxiété et à l’humeur, les symptômes du trouble de stress post-traumatique (complexe) (TSPT et CPTSS). De cette manière, le chercheur obtient une image plus large des plaintes dont souffre une personne et son traitement peut être adapté en conséquence. En outre, l’enquêteur peut se faire une idée de la présence éventuelle de symptômes liés au traumatisme en même temps que de symptômes dissociatifs.

Cet entretien diffère des autres entretiens semi-structurés à plusieurs égards : il permet au clinicien d’établir des diagnostics DSM-5 et CIM-11 ; il comprend donc également une section importante sur les symptômes dissociatifs somatoformes. Il comprend une section sur les autres symptômes liés aux traumatismes afin de : (1) dresser un tableau clinique plus complet de la comorbidité possible, y compris des symptômes de stress-traumatique et de stress-traumatique complexe ; (2) mieux comprendre l’organisation dissociative (possible) de la personnalité ; et (3) différencier les troubles dissociatifs complexes des troubles de la personnalité et d’autres troubles, tels qu’un trouble stress post-traumatique (complexe), un trouble de l’humeur ou des troubles psychotiques. Enfin, le TADS-I vise à faire la distinction entre les symptômes faisant référence à une division de la personnalité et les symptômes pouvant impliquer d’autres altérations de la conscience. Par conséquent, il vise également à aider l’enquêteur à différencier les troubles mentaux imités des troubles mentaux authentiques.

Une étude préliminaire de cinquante entretiens a été réalisée. Les données de cette étude sont en cours d’analyse.

En 2022, le livre Assessment of Trauma-related Dissociation (Évaluation de la dissociation liée au traumatisme), qui comprend l’intégralité de l’entretien TADS-I, a été publié en néerlandais aux Pays-Bas. La traduction anglaise de ce livre et du TADS-I sera publiée en 2023 par Norton Publishers. D’autres traductions suivront. Pour l’instant, un accord a été conclu pour une traduction en finnois, allemand, espagnol et italien du livre et du TADS-I.

Pour l’instant, le TADS-I n’est remis qu’aux participants d’une formation de deux jours.

Les versions antérieures du TADS-I sont traduites en finnois, norvégien, suédois, allemand, français, italien, espagnol, polonais, estonien et roumain, hongrois, danois, slovaque, russe et ukrainien.

Evaluation des enfants et adolescents 

Pour l’évaluation des adolescents et des enfants, plusieurs ressources sont disponibles :

Le A-DES « Adolescent Dissociative Experiences Scale », outil d’évaluation uniquement, disponible pour les enfants de 11 à 18 ans. Le A-DES est un questionnaire auto-administré qui peut être rempli par le patient en 15 minutes environ. Les items compris évaluent un panel de symptômes dissociatifs tels que l’absorption et l’implication imaginaire, l’amnésie dissociative, la dépersonnalisation et la déréalisation, et finalement, l’influence passive (Armstrong et al, 1997).

Le « Child Dissociative Checklist (CDC) » est disponible pour l’évaluation des symptômes dissociatifs des enfants de 5 à 11 ans. Le CDC est un instrument de mesure composé de 20 items, il est complété par un parent ou adulte significatif dans la vie de l’enfant, en 15 minutes environ. La validité et la fidélité sont bonnes (Putnam & Peterson, 1994).

Evaluation du suivi 

Le « Dissociative Disorders Interview Schedule-DSM-IV Version (DDIS-DSM-IV) » par Colin Ross. Le DDIS est une interview clinique composée de 132 items dont l’administration dure environ 90 minutes. Les items et le manuel de correction sont disponibles dans son texte sur le trouble dissociatif de l’identité « Dissociative Identity Disorder » (Ross, 1997). L’information est également disponible sur le site internet du Dr. Ross : http:www.rossinst. com.

La « Structured Clinical Interview for DSM-IV-Dissociative Disorders Revised (SCIS-D Revised) » de Marlene Steinberg (1999). Il s’agit également d’une interview clinique structurée dont la durée est d’environ deux heures. Il existe des données qui indiquent que la détection des patients avec le DES dont le score est au-dessus du score-seuil de 20, auxquels on administre ensuite le SCID-D Révisé, va fournir des niveaux élevés de spécificité et de sensibilité. Cela permet de minimiser le risque de diagnostic de « faux négatifs » ainsi que de « faux positifs » (Sternberg, 1999). Une version du SCID-D pour adolescent est disponible également.

Le « Multi-Dimensional Inventory of Dissociation (MID) » de Paul Dell. Cet inventaire de personnalité auto-administré peut aider le thérapeute à établir un diagnostic spécifique de trouble dissociatif ou de l’absence de celui-ci. Il est disponible sur le site internet du la « International Society for the Study of Trauma and Dissociation » (www.isst-d..org), depuis laquelle peut être téléchargée gratuitement l’inventaire de personnalité et le manuel d’administration pour sa correction.

Aller plus loin

Formation(s) : Diagnostic et diagnostic différentiel de troubles dissociatifs et autres troubles liés au traumatisme avec Suzette Boon

Dossier(s) : EMDR, dissociation et psychose et Echelles et questionnaires d’évaluation cliniques

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