Instruments de mesure des conséquences mentales de la crise climatique 

Instruments de mesure des conséquences mentales de la crise climatique 

Mis à jour le 29 décembre 2023

Compte tenu de l’intérêt croissant pour les conséquences mentales de la crise climatique, de nouveaux instruments de mesure sont étudiés et validés. Ils tentent de mettre en évidence de nouveaux phénomènes qui ne sont pas encore bien compris. 

L’objectif est principalement de définir le seuil entre les sentiments humains appropriés ou les émotions adaptatives et l’état mental qui peut être considéré comme altéré et conforme à la maladie mentale, et s’il nécessite éventuellement une intervention médicale ou psychologique

En outre, le fait de disposer d’un outil de mesure valide et spécifique pour les émotions et les syndromes liés au changement climatique aide les chercheurs et les cliniciens à les définir plus précisément, à différencier ces nouvelles conditions entre elles et avec les syndromes psychiatriques connus, à permettre aux cliniciens de les évaluer dans leur contexte et dans le temps et à mesurer l’impact des réponses thérapeutiques.

Bien que les chercheurs mesurent les impacts psychologiques du changement climatique à l’aide de différents outils depuis au moins une décennie (Eisenman, McCaffrey, Donatello et Marshal, 2015 ; Homburg, Stolberg et Wagner, 2007, qui tentent de mesure les niveaux de stresse ressentis dans le contexte de l’extinction des espèces et la déforestation ; Reser, Bradley et Ellul, 2012, qui ont tenté de mesurer spécifiquement les réponses émotionnelles au changement climatique ; Searle et Gow, 2010), il existe peu d’instruments valides pour évaluer le large éventail des réactions émotionnelles au changement climatique, car la relation entre la santé mentale et le changement climatique est un objet d’étude récent et les définitions des états mentaux et des syndromes proposés sont encore assez confuses et se chevauchent. 

La majorité des tests utilisés sont validés pour des syndromes déjà étudiés depuis plusieurs années (solastalgie, éco-anxiété) ou pour les pathologies du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, cinquième édition (DSM-5) en lien avec les catastrophes naturelles (comme le TSPT). 

Il existe peu de questionnaires d’auto-évaluation spécifiquement développés pour mesurer l’éco-anxiété (Echelle d’anxiété climatique de Clayton & Karazsia, 2020 ; Climate Change Worry Scale de Stewart, 2021 ; Echelle d’éco-anxiété de Hogg (EEAH-13).

On peut supposer que certains de ces instruments deviendront plus largement utilisés s’ils s’avèrent d’une application pratique et en ce qui concerne lequel de ces nouveaux syndromes prévaudra sur le plan épidémiologique.

The Inventory of Climate Emotions (ICE)

Échelle d’auto-évaluation de 32 questions portant sur les émotions multiples ressenties en rapport avec le changement climatique. Cette échelle met en évidence le rôle complexe des émotions liées au climat et la dimension sociale du changement climatique. La colère, l’enthousiasme, l’anxiété et le chagrin sont positivement liés à l’engagement en faveur du climat et à une meilleure santé mentale.

L’Inventaire des émotions liées au climat (ICE) saisit 8 types de réponses émotionnelles. Parmi elles : la colère, l’anxiété, le chagrin, le mépris, l’enthousiasme, la culpabilité…

Cette échelle existe en anglais, en norvégien et en polonais.

Référence(s) : 

Climate Change Worry Scale (CCWS)

Mesure d’auto-évaluation en 10 points conçue pour évaluer le niveau de pensées troublantes et inquiétantes que les gens éprouvent à propos du changement climatique. L’inquiétude est considérée comme un processus central de l’anxiété et de la dépression.

Notation : La moyenne des éléments est calculée pour créer une échelle. Des scores élevés sur l’échelle d’inquiétude face au changement climatique signifient une plus grande réaction psychologique au changement climatique.

Cette échelle existe en anglais, en italien. 

Référence(s) : 

Echelle d’anxiété climatique de Clayton et Karazsia

La Climate Change Anxiety Scale (CCAS) a été élaborée par Susan Clayton et Bryan Karazsia du College of Wooster (USA) en 2020. C’estl’une des échelles les plus connues pour mesurer spécifiquement les réponses émotionnelles au changement climatique.

À l’origine, il s’agissait d’un questionnaire à 22 questions comportant quatre dimensions. La première dimension (éléments 1 à 8) évalue les difficultés cognitives et émotionnelles en réponse au changement climatique, qui se traduisent par la rumination, les difficultés à dormir ou à se concentrer, les pleurs ou les cauchemars liés au changement climatique. La deuxième dimensions (éléments 9 à 13) exploite les déficiences fonctionnelles et vise à évaluer si la réflexion sur le changement climatique a nui à la capacité de l’individu à socialiser, à travailler ou à se concentrer au travail ou à l’école. Elle comprend des éléments tels que « Mes inquiétudes concernant le changement climatique interfèrent avec ma capacité à accomplir mon travail ou mes devoirs scolaires ». La troisième dimensions (éléments 14 à 16) reflète l’expérience personnelle (directe et indirecte) du changement climatique. Elle comprend des éléments tels que « J’ai été directement affecté par le changement climatique » ou « Je connais quelqu’un qui a été directement affecté par le changement climatique ». Enfin, la quatrième dimensions (éléments 17 à 22) dénote l’engagement comportemental et la tendance à déployer des réponses comportementales adaptatives face au changement climatique. Elle comprend des éléments tels que « J’essaie de réduire mes comportements qui contribuent au changement climatique » ou « Je me sens coupable si je gaspille de l’énergie ». 

La version la plus couramment utilisée est l’échelle d’anxiété climatique (Climate Anxiety Scale, CAS), la version avec 13 questions, (basé sur les 13 premiers éléments) cotées selon une échelle Likert entre 0 (jamais) et 5 (presque toujours), qui permet d’évaluer l’anxiété climatique en tant que réaction psychologique au changement climatique. Les deux sous-échelles, la déficience cognitive et la déficience fonctionnelle, sont fortement associées aux symptômes anxio-dépressifs et aux émotions négatives.

Cette échelle existe dans plusieurs langues : anglais, version 22 items en français, italien, polonais, allemand…  

Référence(s) : 

  • Clayton S, Karazsia BT. Development and validation of a measure of climate change anxiety. J Environ Psychol. 2020. Jun;69:101434
  • Cruz SM, High AC. Psychometric properties of the climate change anxiety scale. J Environ Psychol. 2022. Dec;84:101905
  • Daouda, C. M., Blanchard, A., Coussement, C., & Heeren, A. On the Measurement of Climate Change Anxiety: French Validation of the Climate Anxiety Scale.
  • Innocenti M, Santarelli G, Faggi V, Castellini G, Manelli I, Magrini G, et al. Psychometric properties of the Italian version of the Climate Change Anxiety Scale. J Clim Change Health. 2021. Aug;3:100080
  • Mouguiama-Daouda C, Blanchard MA, Coussement C, Heeren A. On the measurement of climate change anxiety: French validation of the Climate Anxiety Scale. Psychologica Belgica. 2022;62(1):123–135. doi: 10.5334/pb.1137

Echelle d’éco-anxiété de Hogg (EEAH-13)

Une échelle de 13 items pour l’éco-anxiété qui comprend quatre familles de facteurs : sentiments d’anxiété (4 items ; dimension A), pensées ruminatives sur les événements environnementaux négatifs (3 items ; dimension R), symptômes comportementaux de l’éco-anxiété (3 items, dimension C), anxiété liée à l’impact personnel sur la planète (3 items ; dimension I).

Hogg et al. (2021) définissent l’éco-anxiété est un état psychologique de « détresse mentale et émotionnelle qu’un individu peut ressentir en réponse à la menace du changement climatique et aux problèmes environnementaux mondiaux » (p. 3), état qui peut, dans ses formes les plus aigües, nécessiter le recours à un praticien. 

Cette échelle se concentre sur les manifestations de l’anxiété et ses répercussions cognitives et fonctionnelles.

Les échelles d’éco-anxiété de S. Clayton & B. Karazsia (2020) et de T. Hogg et al (2021) cherchent toutes les deux à évaluer l’éco-anxiété bien que la première se concentre davantage sur l’aspect climatique, tandis que la deuxième est une vision plus écologique.

Cette échelle existe dans plusieurs langues : Hogg Eco-Anxiety Scale – HEAS-13 en anglais, Echelle d’éco-anxiété de Hogg (EEAH-13) en français, en turc, en portugais…

Référence(s) : 

Eco-anxiety Questionnaire (EAQ-22)

Un questionnaire de 22 questions sur l’éco-anxiété qui évalue deux facteurs : l’inquiétude écologique habituelle et les conséquences négatives de l’éco-anxiété.

Cette échelle existe dans plusieurs langues : Echelle d’éco-chagrin d’Agoston en français. 

Référence(s) : 

  • Ágoston C, Urbán R, Nagy B, Csaba B, Kőváry Z, Kovács K, et al. The psychological consequences of the ecological crisis: three new questionnaires to assess eco-anxiety, eco-guilt, and ecological grief. Clim Risk Manage. 2022;37:100441.

Eco-guilt Questionnaire (EGuiQ-11)

Un questionnaire en 11 points qui couvre différentes formes d’écoculpabilité (par exemple, la culpabilité personnelle, l’insatisfaction à l’égard de ses propres actions, la culpabilité liée au comportement de sa famille ou de ses amis, le fait de faire partie d’un système qui nuit à l’environnement, et la culpabilité existentielle).

Référence(s) : 

  • Ágoston C, Urbán R, Nagy B, Csaba B, Kőváry Z, Kovács K, et al. The psychological consequences of the ecological crisis: three new questionnaires to assess eco-anxiety, eco-guilt, and ecological grief. Clim Risk Manage. 2022;37:100441.

Ecological Grief Questionnaire (EgriQ-6)

Un questionnaire en six points qui étudie le sentiment de perte dû aux changements dans la faune et la flore, le chagrin écologique lié à la destruction de lieux locaux et lointains, ainsi que l’incertitude liée à ces changements.

Références : 

  • Ágoston C, Urbán R, Nagy B, Csaba B, Kőváry Z, Kovács K, et al. The psychological consequences of the ecological crisis: three new questionnaires to assess eco-anxiety, eco-guilt, and ecological grief. Clim Risk Manage. 2022;37:100441.

Ecological Grief Questionnaire (EgriQ-6)

Échelle de 81 éléments mesurant six composantes de la détresse environnementale, dont la solastalgie, résultant soit de l’expérience directe d’une perturbation environnementale, soit de l’anticipation d’une perturbation potentielle.

Higginbotham et al. a développé une mesure de la détresse environnementale que les gens ont ressentie à proximité d’une zone d’exploitation minière à ciel ouvert en Australie. 

Références : 

  • Higginbotham N, Connor L, Albrecht G, Freeman S, Agho K. Validation of an Environmental Distress Scale. EcoHealth. 2007. Jan;3(4):245–54. 
  • Warsini S, Buettner P, Mills J, West C, Usher K. Translation, cultural adaptation, and psychometric testing of the environmental distress scale with Indonesian survivors of a volcanic eruption. Disaster Med Public Health Prep. 2014. Jun;8(3):229–38

Scale of Solastalgia (SOS)

Une échelle de 11 items pour mesurer la solastalgie et le TSPT.

Référence(s) : 

Climate Change Distress and Impairment Scale (CC-DIS)

Échelle de 23 items permettant de distinguer l’expérience affective de la détresse liée au changement climatique (couvrant la colère, l’anxiété et la tristesse) des déficiences générales, sociales et professionnelles/scolaires qui en résultent.

Référence(s) : 

  • Hepp J, Klein SA, Horsten LK, Urbild J, Lane SP. The climate change distress and impairment scale: Introduction of the measure and first findings on pro-environmental behavior [Internet]. PsyArXiv; 2022. Aug [cited 2023 Jan 22].

Disaster Psychosocial Assessment and Surveillance Toolkit (Disaster-PAST)

Cette boîte à outils est conçue pour guider l’évaluation et la surveillance des besoins psychosociaux et de santé mentale à la suite d’une catastrophe. La surveillance peut commencer immédiatement après la catastrophe et peut se poursuivre des années après la catastrophe afin de suivre les changements tout au long du processus de rétablissement. Elle peut également servir à évaluer l’efficacité d’un programme de services en cours.

La boîte à outils peut être utilisée pour comprendre les éléments suivants concernant la santé mentale après une catastrophe : qui a le plus besoin de services et dans quelle mesure il a été affecté ; quel niveau de services est nécessaire ; où les services sont les plus nécessaires ; quand les évaluations psychosociales doivent être menées après une catastrophe ; et comment mener les évaluations. 

Disaster-PAST a été conçu pour s’adapter à différents types de catastrophes et de populations. 

Ce kit est disponible en anglais

Référence(s) : 

  • Ciccone A, Bodley G, Hansel T, McDonough M, McShan L, Osofsky H, et al. Disaster Psychosocial Assessment and Surveillance Toolkit (Disaster-PAST): Methods to Enhance Disaster Preparedness, Response and Recovery. Louisiana State University Health Sciences Center Department of Psychiatry; 2014.

Echelle française de mesure de l’éco-anxiété

Une échelle francophone de mesure de l’éco-anxiété , l’Eco-Anxiety Scale (EMEAS), qui inclue les perturbations relationnelles et l’obsession de l’écologie, deux dimensions absentes du CAS et de l’HEAS-13.

Cette échelle comprends plusieurs dimensions : 

  • La dimension 1 (manifestations anxieuses et dépressives liées au changement climatique) évalue les émotions négatives (anxiété, tristesse, culpabilité, nostalgie) associées à l’anticipation des conséquences du changement climatique pour l’individu, ses proches ou, plus généralement, l’humanité et les autres êtres vivants. « Je pense que le changement climatique mettra ma vie en danger »
  • La dimension 2 (les perturbations relationnelles) concerne les répercussions fonctionnelles de l’éco-anxiété sur les relations et la vie professionnelle de l’individu, qui sont généralement liées à des conflits de valeurs. Cela se manifeste elle-même comme une colère envers des personnes ignorantes des enjeux climatiques, des conflits familiaux ou professionnels, et un sentiment de solitude et d’injustice. Les gens ont le sentiment de ne plus être en phase avec le reste de la société, d’être en marge et de ne plus comprendre le système social dans lequel ils vivent.
  • La dimension 3 (obsession de l’écologie) fait référence à la surreprésentation des activités liées à l’écologie (lecture, discussions, réflexions sur la réduction de sa propre consommation) dans la vie de l’individu et à l’impact fonctionnel qui en résulte.

L’EMEA examine une grande variété de signes caractéristiques de l’éco-anxiété, et peut aider les cliniciens à évaluer les besoins spécifiques de leurs patients et à concevoir des interventions thérapeutiques appropriées. Une éco-anxiété sévère peut s’exprimer très différemment d’une personne à l’autre. Certains sont paralysés par les émotions négatives (EMEA Dimension 1) tandis que d’autres ont besoin d’aide pour mieux gérer les relations humaines avec leur entourage (EMEA Dimension 2) ou sont hyperactifs, courant le risque d’épuisement mental et physique (EMEA Dimension 3). Les approches thérapeutiques spécifiques à ces problématiques sont ainsi très différentes, quel que soit le domaine théorique. L’EMEA pourrait également être utile pour évaluer l’efficacité du traitement psychologique actuellement proposé aux personnes éco-anxieuses.

Référence(s) : 

  • Schmerber, C. (2022). Petit guide de survie pour éco-anxieux. Philippe Rey.
  • Jalin H. Caractérisation clinique de l’éco-anxiété, élaboration d’une échelle d’autoévaluation (travail d’étude et de recherche, phase II, mémoire de psychologie), Université de nantes, 2020, 89 pages 
  • H. Jalin, C. Chandes, A. Congard, R. Poinsot, A.-H. Boudoukha. Conception d’une Echelle de Mesure de l’Eco-Anxiété (EMEA). 49ème Congrès annuel de TCC, Association Française de Thérapie Comportementale et Cognitive (AFTCC). Paris, 2021.
  • Jalin, H., Chandes, C., & Boudoukha, A. H. (2023). Assessing Eco-Anxiety with a mixed method: Creation and Validation of a three dimensions scale.

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Dossier Echelles et questionnaires d’évaluation cliniques

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Journée éco-anxiété programmée le 22 janvier 

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