Dossier EMDR et dépendances
Mis à jour le 19 décembre 2023
Dans ce dossier EMDR et dépendances, nous vous proposons des articles sur l’utilisation de l’EMDR pour traiter l’abus de substances, les addictions, la dépendance, afin de tenter de répondre à des questions comme : Par où commencer ? Dois-je aborder le traumatisme sous-jacent ? Les éléments déclencheurs de la consommation ? Mon patient peut-il rester sobre alors que ses conditions de vie ne sont pas sûres ? Quels sont les étapes du changement ?, Quels sont les outils utiles pour chaque étape du changement ? Quels protocoles utiliser ?…
Les addictions
Les addictions les plus répandues concernent le tabac (nicotine) et l’alcool. Viennent ensuite le cannabis et, loin derrière, les opiacés (héroïne, morphine), la cocaïne, les amphétamines et dérivés de synthèse. Il existe également des addictions liées à des activités (et non à des substances), comme les jeux d’argent, les jeux vidéo, le sexe ou encore les achats compulsifs.
Des dépendances peuvent survenir à tout moment de l’existence, mais la période de 15 à 25 ans est la plus propice à leur émergence. Le comportement à risque des adolescents et des jeunes adultes facilite en effet les premières expériences, et l’usage précoce de drogues expose à un risque accru d’apparition d’une addiction par la suite. Dans l’ensemble, les hommes sont plus souvent concernés par les addictions que les femmes.
Certaines substances semblent avoir un pouvoir addictif supérieur à d’autres compte tenu de la proportion de personnes dépendantes parmi leurs consommateurs. Le produit le plus addictif serait le tabac (32% des consommateurs sont dépendants), suivi par l’héroïne (23%), la cocaïne (17%) et l’alcool (15%). La vitesse d’installation de la dépendance varie également en fonction des substances. Les dépendances au tabac, à l’héroïne et à la cocaïne peuvent se développer en quelques semaines, alors que celle à l’alcool est beaucoup plus lente.
La recherche
Divers travaux ont été publiés concernant l’utilisation de l’EMDR dans le traitement des patients dépendants.
On peut citer : rapport de Shapiro, Vogelmann-Sine et Sine sur les premières utilisations de l’EMDR avec l’addiction (Shapiro, Vogelmann-Sine et Sine (1994), étude de cas sur l’utilisation de l’EMDR pour une addiction sexuelle de Cow et Howard (Cox et Howard (2007), étude de cas d’utilisation de l’EMDR dans une polytoxicomanie de Marich (Marich (2009), étude de cas d’une femme souffrant de longue date d’une dépendance à l’alcool et d’un TSPT comorbides d’Abel et Obrien (Abel and O’Brien (2010)) ou encore les études de cas de Bae, Han, and Kim (2013), Bae and Kim (2012), Kullack and Laugharne (2016), Miller (2010), Rougemont-Bücking and Zimmermann (2012), Zweben and Yeary soutiennent que la thérapie EMDR peut constituer un complément puissant au traitement de la toxicomanie chez les patients traumatisés Zweben and Yeary (2006), …
Hase, Schallmayer et Sack ont publié un essai de contrôle randomisé (Hase, Schallmayer et Sack (2008) ).
Une bibliographie vous est proposée dans les articles de ce dossier.
Les protocoles et modèles
Plusieurs protocoles et/ou modèles ont été développés pour les patients souffrant de troubles addictifs.
Deux approches se distinguent : la thérapie EMDR centrée sur les traumatismes et celle centrée sur les addictions, qui utilise la désensibilisation pour réduire la réactivité du patient aux situations qui pourrait déclencher l’usage de substance. Les cibles utilisées afin de réduire cette réactivité diffèrent énormément. Ces protocoles diffèrent également en ce qui concerne l’exigence (ou l’absence d’exigence) d’une abstinence du patient vis-à-vis de la substance.
Chemotion and EMDR d’Omaha pour le traitement de la dépendance chimique
Le modèle d’Omaha cherche à aborder les déficits d’identité, sur la base d’une conceptualisation de l’addiction en termes de relations d’objet (Omaha, 1998). Après le traitement des résistances à la guérison, il utilise le protocole EMDR standard pour cibler les incidents traumatiques que l’on pense à l’origine de la dépendance. Après le ciblage de toutes les drogues utilisées par le client et des pensées/sentiments associés au traumatisme, le protocole recommande de faire entrer le client dans un groupe de parole au sein duquel un traitement verbal supplémentaire des traumatismes de l’enfance résoudra ces problèmes (Omaha, 1998).
Protocole DeTur de Popky
Le protocole appelé DeTUR (Desensitization of Triggers and Urge Reprocessing = Désensibilisation des déclencheurs et retraitement des envies du produit – Popky, 2005) cherche à renforcer la gestion positive en concentrant l’attention des patients tant sur les objectifs du traitement que sur l’apaisement des déclencheurs. Dans la première partie du protocole DeTUR, le patient se concentre sur ce qu’on nomme l’objectif positif de traitement. Il développe une image de ce que serait sa vie une fois les changements effectués dans sa consommation d’alcool et/ou de drogue, que ces changements visent l’abstinence ou la réduction du problème. Après avoir accentué cet objectif par le biais d’une imagerie visuelle renforcée par des stimulations bilatérales, le clinicien travaille avec son patient au développement de ressources internes et externes pour soutenir le changement. Ils travaillent ensuite à désensibiliser chaque déclencheur de consommation de substances. On apprend aux clients à utiliser tout seuls la stimulation bilatérale si les sensations d’envie reviennent.
Ce protocole se concentre sur les déclencheurs de désensibilisation pour réduire les fringales et comprend l’établissement d’un objectif de traitement positif vers lequel le client doit travailler.
Acronymes à connaître :
- LoU : niveau d’envie. Une mesure concernant le niveau d’envie d’utiliser ou de passer à l’acte.
- PTG/PG : Objectif de traitement positif. Une ressource positive vers laquelle le client peut travailler et qui n’est pas associée à la dépendance.
Manuel d’utilisation de l’EMDR dans le cadre d’un plan global de traitement de la dépendance chimique, de Vogelmann-Sine, Sine, Smyth et Popky
Vogelmann-Sine, Sine, Smyth et Popky (1998) ont publié un manuel d’utilisation de l’EMDR dans le cadre d’un plan global de traitement de la dépendance chimique. Ils recommandent une évaluation la plus large possible du cadre de vie et du fonctionnement courant du client, en particulier sur le point de savoir si celui-ci montre « une tolérance aux affects, une capacité à contenir ses affects et une capacité à la pleine conscience » (p. 8). Ces auteurs intègrent à la fois le protocole DeTUR (Popky, 2005) et le protocole EMDR standard afin d’aborder et de traiter les déclencheurs, c’est à dire les pensées, les sentiments et les situations et les souvenirs traumatiques qui peuvent conduire à la prise de substance. La réussite du client dans la gestion des déclencheurs depuis la séance précédente est renforcée par les mouvements oculaires au début de chaque séance.
Zweben et Yeary ont décrit comment intégrer l’EMDR à différentes phases du traitement des addictions
Zweben et Yeary (2006) ont décrit comment on peut intégrer l’EMDR à différentes phases du traitement des addictions. Après avoir exposé ce qu’est l’EMDR et ce qu’est le traitement de l’addiction, les auteurs décrivent comment l’exercice du « lieu sûr » (Shapiro, 2001) et le développement de ressources (Korn & Leeds, 2002) peuvent être mis en œuvre lorsqu’un client est au début de son rétablissement et est encore trop instable pour passer au traitement du traumatisme (pré-EMDR). Le protocole du traumatisme peut alors être mis en œuvre afin de cibler les traumatismes plus anciens qui sous-tendent l’addiction. Les auteurs notaient que l’abstinence n’est pas nécessaire pour le travail sur le traumatisme, dans la mesure où « de nombreux clients ne peuvent être sobres avant qu’une partie de la charge émotionnelle de leur passé traumatique ne leur soit enlevée » (p. 121). Ils donnent des exemples de cas pour illustrer leurs recommandations.
Protocole Feeling-state addiction protocol (FSAP) de Miller
Le protocole de dépendance aux états émotionnels, développé par Robert Miller, implique d’identifier les parties de l’expérience de dépendance qui font du bien au patient mais qui, en fin de compte, font partie de la dépendance à laquelle il souhaite mettre fin.
Protocole CravEX de Hase
Cette approche repose sur le retraitement de la mémoire de la dépendance, ce qui aboutit idéalement à l’extinction du besoin.
Hase, Schallmayer et Sack (2008) ciblent le « souvenir de la dépendance » dans le traitement. Ces auteurs affirment que le souvenir de la dépendance (un épisode réel de prise du produit, une rechute ou une envie du produit) peut être ciblé et retraité. Le protocole utilisé est semblable au protocole standard, mais on cible le souvenir de l’envie et on se sert de l’échelle d’évaluation du niveau d’envie (LOU—Level of Urge) au lieu de l’échelle d’unités subjectives de perturbation (SUDS— Subjective Units of Disturbance Scale). Le ciblage et le traitement du manque/de la rechute doivent aussi mener jusqu’à la raison originelle qui a conduit le client à l’usage de substances (Hase, 2006). Dans l’idéal, les clients verront une réduction de leur envie du produit ainsi qu’une réduction des tendances à rechuter (Hase, Schallmayer & Sack, 2008). Hase (2010) a défini davantage ce protocole, qu’il a renommé CravEx, en l’accompagnant de descriptions détaillées sur la manière de l’utiliser dans le traitement. Cela peut être une adjonction utile au traitement EMDR, en aidant le client à arriver à la sobriété, en préparation au protocole standard.
Acronymes à connaître :
- LoU : niveau d’envie. Une mesure concernant le niveau d’envie d’utiliser ou de passer à l’acte.
- AM : La mémoire de dépendance est un réseau de mémoire qui se développe spécifiquement pour le patient et qui implique l’envie et la compulsion d’utiliser ou d’agir.
Protocole MET(T)A de Steven Dansigner
Steven Dansigner propose le Protocole MET(T)A, une intervention axée sur les traumatismes pour traiter la toxicomanie. Le nom MET(T) A fait référence à l’utilisation « Meta » du protocole en 8 phases et du modèle de traitement adaptatif de l’information pour exécuter toutes les opérations cliniques et non cliniques, et « Metta », qui se traduit par « bonté de cœur ». », un enseignement clé de la pleine conscience bouddhiste qui guide également le travail de l’agence.
Palette d’interventions EMDR en matière de toxicomanie (PEIA) de Markus et Hornsveld
Le PEIA fournit un cadre pour comprendre les objectifs de l’EMDR et du traitement des addictions. Les auteurs présentent également l’idée de deux angles d’approche de l’EMDR et des stratégies de traitement des addictions.
Les auteurs ont passé en revue tous les protocoles, interventions et programmes spécialisés en toxicomanie dans la thérapie EMDR. Ils ont proposé un total de 15 modules de soins spécifiques aux addictions utilisant la thérapie EMDR, dont trois modules axés sur les traumatismes : l’EMDR centré sur les traumatismes pour le TSPT, l’EMDR centré sur les traumatismes pour les événements indésirables de la vie et leur déclenchement de comportements addictifs, et l’EMDR centré sur les traumatismes abordant les croyances négatives courantes sur soi-même souvent vécues par de nombreuses personnes dépendantes.
Le PEIA soutient l’idée selon laquelle le protocole standard en 8 phases pourrait être au centre du traitement des addictions. Les protocoles spécialisés et autres interventions liées à l’EMDR viendraient soutenir les défis spécifiques à la dépendance, notamment les pulsions et les déclencheurs, les croyances négatives sur soi créées et motivées par la dépendance, et les scénarios du futur liés à une vie différente après le traitement.
Tous les articles du dossier
Des articles seront ajoutés au fil des mois en fonction des nouvelles publications et enquêtes publiées.
Les formations
Voici les formations disponibles à ce sujet :